Lycée d’Arsonval

27, septembre 2013  |  Publié : Non classé  | 

Proposition de parcours pédagogique conduit avec les logiciels Lignes de Temps et Renkan en classe de seconde, option « Littérature et Société » autour de la question de la représentation des Gitans dans la culture européenne.

 

La séquence s’inscrit dans un travail mené tout au long de l’année autour de la question de la représentation des Gitans dans la littérature et les arts en Europe, depuis le XVIème siècle jusqu’à aujourd’hui. Pendant un premier semestre un corpus d’œuvres : textes complets, extraits de textes, et documents iconographiques : tableaux et gravures, sont proposés aux élèves, en classe, en lecture à la maison, et en visite d’exposition (l’exposition « Bohèmes » au Grand Palais). Le corpus fait une large part à la production romantique et post-romantique, en particulier dans la poésie et le récit de voyage, dans laquelle les Gitans s’élèvent au rang d’un véritable mythe[1], mais permet d’évoquer aussi l’origine de ce mythe : la Gitanilla de Cervantès, les « Bohémiens en route » de Jacques Callot, et ses avatars plus récents : le Gadzio de l’Enfant et la Rivière d’Henri Bosco, ou encore les Gitans dans la chanson « de variété  française » au XXème siècle.

La synthèse de ce travail de lecture, d’observation et d’analyse, prend la forme d’une carte mentale  réalisée  à la main et sur papier par les élèves. Elle met en évidence les aspects les plus marquants, non pas de l’identité bohémienne en elle-même, mais de sa représentation construite par et dans la culture non-gitane (ou « gadjé » pour reprendre le terme utilisé par les Gitans eux-mêmes) : instrumentalisés, les Gitans sont des figures qui signifient toujours autre chose que ce qu’ils sont, et renvoient, pour l’essentiel, à la liberté, à la nature, à la perte de l’origine, et bien entendu à l’altérité. On remarque aussi l’extrême labilité de leur image, signe de l’extrême ambivalence du regard posé sur eux : princes et misérables, forts et faibles, innocents et délinquants, libres et aliénés, attirants et repoussants … On conclut sur la difficulté à saisir la réalité de l’identité gitane, ainsi recouverte par les projections et figurations, qui dégénèrent en clichés,  créées par l’imagination des artistes.

Au second semestre le travail se poursuit avec un nouveau champ : le cinéma. Les deux films retenus : le Temps des Gitans d’Emir Kusturica et Liberté de Tony Gatlif, l’ont été en raison de leur positionnement « endogène » par rapport aux communautés gitanes mises en scène dans chaque film : Les Roms des années 1980 dans l’ancienne Yougoslavie, que Kusturica connaît de l’intérieur pour les avoir fréquentés dans sa jeunesse, les Bohémiens installés et persécutés en France au milieu du XXème siècle (période de l’Occupation), dont Gatlif peut légitimement porter la mémoire, étant de filiation gitane par sa mère. L’enjeu de cette nouvelle investigation devrait être de mesurer la différence entre la représentation subjective et en général idéalisante qui se dégage du corpus précédent et celle-ci supposée plus objective et réaliste.

Le logiciel Lignes de Temps permet aux élèves de revoir le film par fragments. Des thèmes choisis pour leur place privilégiée dans ces œuvres manifestement attachées à ce qu’on peut appeler la « culture gitane », sont d’emblée proposés aux élèves : la musique, la fête, les croyances et pratiques magiques. Plusieurs heures sont alors consacrées à rechercher, sélectionner, rapprocher, comparer des extraits à même d’illustrer ces thèmes. Idéalement l’exercice devrait reconduire à une réflexion qui mette en question la validité même de cette notion de « culture gitane » revendiquée par les réalisateurs et manifestée dans des traitements très différents, de manière à percevoir le retour irrépressible des stéréotypes ou au moins des associations hâtives et généralisantes indéniablement renvoyées par l’un et l’autre film,  du type : les Bohémiens sont des musiciens dans l’âme, les Bohémiens sont habités par la nostalgie, les Bohémiens vivent en osmose complète avec les chevaux, les Bohémiens sont inconditionnellement épris de liberté etc. En réalité le travail de sélection et d’analyse des extraits se révèle en soi très dense et absorbe l’énergie et le temps des élèves et de leurs encadrants (professeur et étudiants du Master …).

Pour mener la réflexion à son terme un troisième volet aurait pu être construit avec l’aide du logiciel Renkan, de la manière suivante. On reformule d’une part un ensemble de notions déclinant le topos gitan, d’autre part on demande aux élèves, forts de leur connaissance désormais approfondie des films, de puiser, dans le fonds de leurs sélections précédentes qu’ils mutualisent , un nouveau choix d’extraits vidéos. Il n’y a plus qu’à utiliser les fonctionnalités de Renkan pour établir entre les concepts et le corpus d’extraits tous les liens qu’on jugera utiles et éclairants pour mettre en évidence une mise en scène persistante, dans ces films récents, de la vision exotique et rêvée des Gitans héritée du romantisme. On peut alors relativiser le rôle de l’ancrage historique de ces récits filmiques récents dans la période contemporaine. Le tableau de la persécution des Tsiganes sous Vichy, ou de la mainmise mafieuse sur la misère des communautés roms, avec trafic d’enfants et mendicité organisée sont des éléments de réalisme injectés dans le récit mais qui ne brisent pas les codes du mythe que les artistes issus du milieu gitan tendent comme les autres à perpétuer.

 

Vidéo présentant les lycéens et leurs analyses de film :


5 cartes mentales dessinées par les élèves :
Carte 1
Carte 2
Carte 3
Carte 4
Carte 5

Carte 6

Cartes mentales dessinées par les élèves portant sur l’oeuvre de Balzac :

Carte 1

Carte 2

Carte 3

Sans titre 3Sans titre 1Sans titre 2

 


[1] Voir à ce sujet Le Mythe des Bohémiens dans la littérature et les arts, direction Sarga Moussa, l’Harmattan

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