THE NEW INDUSTRIAL WORLD FORUM 2017

 « Artificial stupidity »

 19-20 december 2017, Grande salle du Centre Pompidou

In the frame of European project NextLeap, ANR project Epistémè and Plaine Commune’s Chaire de Recherche Contributive

 

 

Within the scope of a global reflection on a new articulation of data processing within the data economy (reticulate artificial intelligence, deep learning, machine learning in general and intensive calculus), on one hand, and of the interpretation of this data and these processes, on the other hand, and within the present scientific context as well as within the exercising of citizenship and more generally of responsibility, this tenth edition of the New Industrial World Forum intends to analyse the impact of scientific instruments on the constitution of academic knowledge in a time when the technologies stemming from mathematics as applied to computer science and networks tend to establish themselves in the scientific world on the basis of efficiency criteria prescribed by the markets.

 

The result of this is an extreme and highly paradoxical threat as to the possibilities to practising, developing and cultivating scientific knowledge, if it is true that these shall not submit to the proletarianization processes emerging from the “black boxes” which the instruments and apparatuses are now becoming for the scientists as well as for the common people.

 

This year’s edition will be about analysing the problems arising from the use of digital scientific instruments in the sense that their functioning and the categorization processes they involve are becoming inaccessible, blind and impossible to formalize from a theoretical point of view. In opposition to Ian Hacking’s proposition that “a knowledge of the microscope” is “useless”, and in opposition to Chris Anderson who, in 2008, announced “the end of theory” in the age of big data, the point is to analyse, question and criticize the phenomenon of black boxes in the field of instruments and apparatuses in general and in the case of scientific instruments in particular in order to evaluate their epistemological cost as well as the benefits that can be expected from replacing this state of fact that is incompatible with the state of law without which science is impossible, and to prescribe, as much as it is possible, in the scientific fields concerned, instrumental models and practices allowing this replacement to happen.

 

These enquiries will be conducted by reference to Gaston Bachelard’s phenomenotechnics analyses and Gilbert Simondon’s mecanology, as well as through Edmund Husserl, Alfred Whitehead, Karl Popper and Jack Goody’s questionings and concepts, among other references. They have a generic value as to the questions asked by the expansion of reticulate artificial intelligence in all dimensions of human activity. This is why they will be conducted in the prospect of a more general reflection on the stakes of what is called artificial intelligence.

 

In the more specific case of social sciences, the question interferes directly with the practises of daily life: intensive calculus is implemented through the data economy and the platform capitalism generalizes these questions while highlighting the performative processes stemming from the speed of the information processing as the algorithms overtake all deliberative processes, both individual and collective. These factual evolutions  still lack theorization but they have penetrated the markets through the “linguistic capitalism” (as it was described by Frédéric Kaplan) and the logistics of online sales and they now reached the boundaries of the so-called “medicine 3.0”, also called infomedicine, as well as urban management and of course robotised conception and production.

The main question asked by all these problematic layers, although they may seem heterogeneous, is that of the function of calculus. What benefits can be expected from it? Under what conditions can it serve deliberation (scientific, civic or both) and social inventiveness? What overdeterminations emerge from the data formats and architectures?


Provisional program

 

Tuesday 19 december 2017

10h-13h

Artifical Intelligence, Artificial Stupidity and the Function of Calculus

–        Bernard Stiegler, philosophy (IRI)

–        David Bates, history of science (Berkeley)

–        Giuseppe Longo, mathematics and biology (ENS)

–        Yuk Hui, computer science and philosophy (Leuphana Un).

 

14h30-18h

Data Architectures and the Production of Knowledge

–        André Spicer et Mats Alvesson

–        Bruno Bachimont (UTC)

–        Benjamin Bratton (San Diego University)

–        Christian Fauré, Octo Technology

–       Bruno Bachimont (UTC)

–        Aurélien Galateau (Besançon University)

 

Wednesday 20 december 2017

10h – 13h

Opacity of Scientific Instruments and its Epistemological Consequences

–        Vincent Bontems, epistemology (CEA)

–        Cédric Mattews, biology, CNRS

–        Peter Lemmens, philosophy, ISIS

–        Laurence Devillers, robotics, Limsi/CNRS

–        Maël Montevil, biology (ENS)

–        Laurent Alexandre

 

14h30 – 18h

Data Processing and Civic Contribution

–        Paul-Emile Geoffroy, philosophy and social sciences (IRI)

–        Jean-Pierre Girard, archeology (MOM)

–        Thibaut d’Orso, Spideo company

–        Johan Mathé, Bay Labs company (skype)

–        Warren Sack, artist, software studies, UC Santa Cruz (skype)

 

 

LES ENTRETIENS DU NOUVEAU MONDE INDUSTRIEL 2017 

La « bêtise artificielle »

19-20 décembre 2017, Grande salle du Centre Pompidou

Dans le cadre du projet européen NextLeap, du projet ANR Epistémè et de la Chaire de Recherche Contributive Plaine Commune

Programme et inscriptions sur : https://enmi-conf.org/wp/enmi17/

 

Dans le cadre d’une réflexion globale sur une nouvelle articulation des processus de traitement de données dans la data economy (intelligence artificielle réticulée, deep learning, machine learning en général et calcul intensif), d’une part, et de l’interprétation de ces données et de ces traitements, d’autre part, et dans le contexte scientifique aussi bien que dans l’exercice de la citoyenneté et plus généralement de la responsabilité, cette dixième édition des Entretiens du Nouveau Monde Industriel se propose d’analyser l’impact des instruments scientifiques sur la constitution des savoirs académiques au moment où les technologies issues des mathématiques appliquées à l’informatique en réseau tendent à s’imposer au monde scientifique à partir des critères d’efficience prescrits par les marchés.

 

Il en résulte une menace extrême et hautement paradoxale quant aux possibilités d’exercer, de cultiver et de développer les savoirs scientifiques s’il est vrai que ceux-ci ne sauraient se soumettre aux processus de prolétarisation qui sont induits par les « boîtes noires » que les instruments et appareils deviennent pour les scientifiques désormais tout autant que pour le commun des mortels.

 

Il s’agira cette année d’analyser les problèmes posés par les instruments scientifiques numériques dont le fonctionnement et les processus de catégorisation afférents deviennent inaccessibles, aveugles et non formalisables du point de vue théorique. À l’encontre d’Ian Hacking déclarant « inutile » la « connaissance du microscope », comme à l’encontre de Chris Anderson annonçant en 2008 « la fin de la théorie » à l’époque des « big data », il s’agit ici d’analyser, de questionner et de critiquer les phénomènes de boîtes noires dans le champ instrumental et appareillé en général et dans le cas des instruments scientifiques en particulier afin d’évaluer leur coût épistémologique aussi bien que les bénéfices à attendre d’un dépassement de cet état de fait incompatible avec l’état de droit sans lequel aucun science n’est possible, et de prescrire autant que possible, dans les champs scientifiques concernés, des modèles instrumentaux et des pratiques instrumentales permettant de les surmonter.

 

Ces travaux qui seront menés en référence à l’analyse phénoménotechnique de Gaston Bachelard et à la mécanologie de Gilbert Simondon aussi bien qu’en mobilisant les questionnements et concepts d’Edmund Husserl, d’Alfred Whitehead, de Karl Popper et de Jack Goody, parmi bien d’autres, ont une valeur générique quant aux questions que pose l’expansion de l’intelligence artificielle réticulée dans toutes les dimensions de l’activité humaine. C’est pourquoi ils seront conduits dans la perspective d’une réflexion plus générale sur les enjeux de ce qui est appelé intelligence artificielle.

Dans le cas plus spécifique des sciences sociales, la question interfère directement avec les pratiques de la vie quotidienne : le calcul intensif mis en œuvre à travers la data economy et le capitalisme des plateformes généralise ces questions tout en mettant en évidence les processus performatifs induits par la vitesse de traitement des informations par les algorithmes prenant de vitesse tous les processus délibératifs, individuels ou collectifs. Ces évolutions factuelles encore très peu théorisées qui ont pénétré les marchés à travers le « capitalisme linguistique » (tel que l’a décrit Frédéric Kaplan) et la logistique de la vente en ligne atteignent désormais aussi bien la médecine dite 3.0, également appelée infomédecine, la gestion urbaine, et bien sûr la conception et la production robotisée.

La question qui se pose à travers tous ces niveaux, si hétérogènes qu’ils puissent paraître, est la fonction du calcul, les bénéfices qui peuvent en être attendus, les conditions dans lesquelles il peut être mis au service d’une délibération, qu’elle soit scientifique ou citoyenne, ou les deux, ou au service d’une inventivité sociale, et les surdéterminations induites par les formats et architectures de données.

 

 

capdigitaliri

Maison Suger, FMSH, 16 rue Suger, 75006 Paris

17-18 juin 2025

Enregistrements:

Save the date : Entretiens du Nouveau Monde Industriel, 16 et 17 décembre 2025 au CNAM

Synthèse artificielle et contribution humaine : quelle économie pour de nouveaux milieux des savoirs ?

« Garbage Out ». Dans son numéro du 25 juillet 2024, le journal Nature sonnait l’alerte en dénonçant en couverture le fait qu’une IA nourrie de ses propres données évolue entropiquement vers du « charabia ». L’article des chercheurs d’Oxford et de Cambridge1 nous semble apporter des arguments solides pour que la contribution humaine soit reconnue comme un facteur déterminant de lutte contre ce que les chercheurs appellent un « effondrement » des modèles dits de « langage » (LLM). De la même manière que nous avons besoin d’analyser un texte pour en faire la synthèse, l’IA a besoin de l’humain pour créer des modèles qui offrent de nouvelles appréhensions synthétiques du réel. Dès lors, comment peut-on penser les nouvelles articulations entre modèles de synthèse artificielle, processus d’analyse humaine et dispositifs de contribution collective ? Ce nouvel agencement nous semble appeler une nécessaire reconnaissance de la valeur du savoir-faire humain dans le cadre d’une économie contributive, fondée localement et qui ne se réduit pas à une exploitation gratuite ou à un « travail du clic » aux conditions économiques, sociales et psychologiques largement dénoncées2.

C’est sur la base de ce plaidoyer, que nous proposons de revenir cette année sur ce qui semble pourtant surcharger l’espace médiatique et la production scientifique depuis deux ans. Faut-il pour autant se joindre à ceux qui dénoncent la menace de l’IA générale ? S’agit-il de prolonger le contre-sommet de l’IA proposé en février par le philosophe Eric Sadin ? Y-a-t-il encore un espoir d’articuler des modèles d’analyse symbolique avec la synthèse statistique ? Ou encore des pratiques contributives et des savoirs collectifs avec des modèles de synthèse statistiques pour repenser de nouveaux milieux des savoirs et de nouveaux réseaux sociaux ? La question de la synthèse sera au centre de notre recherche pour 2025 afin de tenter d’illustrer comment les technologies contributives–telles qu’elles ont pu se développer dans la tradition des sciences des bibliothèques, dans le champ sémantique, et avec le développement majeur de Wikipédia–peuvent s’articuler aujourd’hui à des outils de synthèse « artificielle » pour une nouvelle écologie de l’esprit.

Mais que faut-il entendre par synthèse « artificielle » ? Il faudrait tout d’abord s’intéresser au processus proche de l’intégration en biologie, tel qu’il ne se réduit pas au processus chimique de la photosynthèse. Il s’agit aussi de rappeler les travaux fondateurs en matière d’analyse et de synthèse du son et de l’image qui ont été développés à partir de modèles symboliques ou sémantiques beaucoup plus compréhensibles par l’humain avant de n’être surpassés par des modèles probabilistes fondés sur le traitement de grandes masses de données. Et bien avant cela, on pourra critiquer la question de la synthèse telle qu’elle fut pensée par Kant comme un processus de l’imagination articulant synthèse perceptive ou pré-catégorielle dans la sensibilité, synthèse reproductive grâce à la mémoire, synthèse intellective et catégorielle dans l’entendement. L’écoute de la musique suppose ces trois phases : j’attends, je reconnais, j’associe. La synthèse ne se réduit donc pas à un assemblage: elle annonce l’articulation de diverses opérations psychiques et collectives. Parler de synthèse « artificielle » nous permet de dépasser le clivage naturel-artificiel et d’explorer le riche monde de la synthèse pour le vivant, pour l’imagination, pour la technique. Il s’agit ainsi de distinguer synthèse organique, symbolique, statistique afin de pe(a)nser la synthèse « organologique » à la suite de Bernard Stiegler. Il s’agit aussi, comme l’a souligné Yuk Hui dans sa lecture de Kant3, de faire fonctionner à nouveaux frais le conflit des facultés (humaines et algorithmiques) dans le contexte d’une organologie qui nous ouvre à de nouveaux espaces où, comme chez Simondon, l’imagination conduit à l’invention et où l’anticipation permet de renouveler le cycle des images opératives et les diverses facultés qu’elles induisent.

L’imagination serait en fait plutôt à considérer comme un équilibre fragile entre conditionnement et liberté mais où le degré de liberté lié à notre perception est aujourd’hui de plus en plus pris en charge par la masse de données. Adaptation ? hybridation ? délégation à une matière imaginaire qui nous est humainement inaccessible comme le propose Michael Crevoisier4 ? adoption d’un nouveau régime de sensorialité performatif comme le propose Anaïs Nony5 ? Dès lors, Comment la menace de cette disruption de l’imaginaire par la masse de donnée des LLMs se joue-t-elle dès l’enfance6 ? Et comment la pratique artistique peut encore s’y appuyer de la même manière qu’un acteur apprend son texte par cœur, « s’automatise », pour pouvoir le dépasser, improviser, avancer vers une « idée esthétique » encore indéterminée, c’est-à-dire réellement penser l’incalculable à partir du calculable ou « l’infini » à partir du fini ? Ce sont des options esthétiques, épistémologiques, technologiques mais aussi politiques qu’il nous faudra explorer.

Les Entretiens du Nouveau Monde Industriel 2024 nous ont ouvert des pistes de réflexion pour une nouvelle écologie de l’industrie qui prend soin de son milieu numérique. La question de l’IA était déjà en discussion. En 2025, notre objectif est de prolonger cette perspective en examinant et distinguant précisément ce qui relève de l’analyse et ce qui relève de la synthèse dans ces modèles statistiques et comment il est nécessaire de les ré-articuler à des modèles symboliques et à des dynamiques contributives au service d’une hyper-interprétation7 comme synthèse de plusieurs interprétations pour le développement de nouveaux savoirs. La synthèse coupée de toute compréhension de l’analyse, des sources, des grammaires, des règles, des contextes, entretient l’aspiration à développer une IA générale biaisée, dominante, autonome, déterritorialisée, délocalisée, mais incluant progressivement le contexte dans son calcul. Cette tendance a-signifiante de l’IA8 est une menace pour la technodiversité et la noodiversité qui renforce les arguments spéculatifs d’un nouveau capitalisme algorithmique hégémonique.

Comme à notre habitude à travers ce séminaire préparatoire de juin, les Entretiens du Nouveau Monde Industriel en décembre 2025 et la publication l’année suivante d’un ouvrage collectif, nous aimerions croiser ici des regards théoriques, politiques, économiques, artistiques et industriels, pour mieux comprendre comment ré-articuler analyse, synthèse et imagination à l’ère des IA. La menace est immense mais nombreux sont les projets qui visent à des agencements très innovants entre technologies sémantiques, statistiques et contributives (ce dernier point constituant toujours le cœur de nos projets technologiques et d’innovation sociale et territoriale notamment en Seine-Saint-Denis (https://tac93.fr).

Dans le cadre de nos Entretiens préparatoires, nous proposons d’aborder ce thème selon six perspectives convergentes :

  1. Une vision historique et prospective sur la composante synthétique de l’IAG qui disrupte l’économie mondiale dans le contexte d’un techno-capitalisme hors sol qui tend, par les IA générales ou génériques à réduire ses contextes, métiers, territoires à leur calculabilité, et court le risque d’une dégradation de ses performances s’il ne tisse pas de nouvelles alliances avec la contribution humaine et en premier lieu avec la science. Quel régime de vérité ou quel régime de « facticité », pour reprendre le terme d’Antoinette Rouvroy, se dessine avec cette disruption ?
  1. Une perspective philosophique et épistémologique : qu’est-ce que la synthèse dans le champ biologique par exemple dans le contexte de la photosynthèse ? Inversement et dans une perspective kantienne, la synthèse n’a-t-elle pas toujours été « artificielle » ? Comment la perspective contributive et la question des catégories peut-elle encore être une voie de dialogue avec les IA ? Quelle analyse historique sur cette évolution et quel nouveau regard sur l’informatique théorique dès lors que les approches symboliques et statistiques se combinent ? Comment les produits de synthèse peuvent-ils être recontextualisés à leurs sources, à leurs méthodes d’analyse, et à la contribution humaine comme le propose Jaron Lanier9 ? Peut-on designer des outils de synthèse pas seulement pour des individus mais surtout pour des groupes ? Quelle écologie des milieux synthétiques ?
  1. Une étude critique des publications contradictoires sur la destruction de l’emploi par les IA ne suffit pas. Il convient de reconnaître l’importance du « digital labor10 » et la misère physique, psychique et symbolique des travailleurs du clic11. Mais aussi distinguer ce qui au cœur de nos métiers relève à présent de tâches automatisables–en analyse comme en synthèse des connaissances–sans les confondre avec leur pratique collective dans le champ incalculable des savoirs. S’agit-il d’une destruction nette de l’emploi ou plutôt d’une déqualification tendancielle due à la prolétarisation qui s’inscrit désormais de manière générale et selon une échelle planétaire? A qui bénéficie cette nouvelle productivité et comment peut-elle être mobilisée pour dégager de nouveaux espaces d’autonomie, de savoir, de pratiques contributives et donc d’un travail qui se distingue de l’emploi ?
  1. Un regard sur la création, sur ce qui ne sont plus des images de synthèse mais des vecteurs d’images et au-delà sur un synthèse imaginative soumise au calcul qui disrupte toutes les pratiques artistiques et les métiers créatifs. Traçabilité, nouvelles licences libres, « LLM vertueux », quelles perspectives pour l’enseignement ? Comment appréhender la nouvelle articulation des facultés d’apprentissage (mémorisation, interprétation, contemplation) et la création de nouveaux outils pour l’éducation tels que nous le propose les services libres de ladigitale ?
  1. Un plaidoyer pour la reconnaissance et le soutien des dynamiques collaboratives et contributives et des règles juridiques qui dans le numérique et à l’image de Wikipédia, cherchent à défendre un milieu des savoirs ouvert sans qu’il soit l’objet d’une nouvelle forme de prédation pour nourrir (et sauver) une IA qui sinon s’appauvrit tendanciellement. Quels modèles économiques pour une redistribution plus équitable de ces profits ? Quel soutien financier à la contribution dans le contexte de territoires où les habitants, artistes, amateurs, s’appuient sur leurs « donnée contribuée » sans les commercialiser ? Comment aller au-delà de l’open source pour penser un « share source » fondé sur des données contribuées comme nous y invite aussi Francis Jutand12 ?
  1. Des illustrations concrètes d’agencements innovants de modèles sémantiques et statistiques avec des technologies contributives pour un nouveau Web de l’interprétation, de la critique et de la démocratie renouvelant de nouvelles pratiques herméneutiques, par la catégorisation, l’annotation, l’éditorialisation ou la délibération. Une manière de repenser dans les start-ups ou les grands groupes de nouvelles formes de CivicTech, EdTech, MedTech ?

Ce thème transversal conçu et préparé avec notre Collège scientifique et industriel converge avec le rapport sur l’IA des Lumières que Cap Digital vient de publier, sous la direction de Francis Jutand qui fut un des fondateurs des ENMI en 2007 ! C’est aussi le prolongement d’un partenariat avec la Fondation Feltrinelli avec qui nous avions déjà collaboré en 2021 (https://fondazionefeltrinelli.it/scopri/report-parigi-okeurope-2021/) sur la question des mutations du travail. Deux événements plus récents ont aussi inspiré cette proposition : le séminaire hyper-interprétation organisé l’année dernière par l’IRI sous la direction de Franck Cormerais et Armen Khatchatourov (https://iri-ressources.org/collections/collection-55.html) et la Journée sur le mouvement Wikimédia organisée le 14 mars par Marta Severo et Antonin Segault au Dicen/Cnam-Un. Paris Nanterre (https://wikimouv2025.sciencesconf.org/).

Programme

Mardi 17 juin

9h30-9h45

Accueil-Introduction

  • Vincent Puig (IRI) – Symboliser, synthétiser, contribuer

9h45-12h30

Session 1. Synthèse artificielle et contribution : critique et prospective techno-politique et industrielle

  • Francis Jutand (SFdP) – L’IA des Lumières
  • Guillaume Pellerin (IRI) – Architectures et méthodes
  • Giuseppe Longo (ENS) – L’empire numérique de l’alphabet à l’IA
  • Laurence Allard (Lille III) – Trajectoires critiques de l’IA
  • Alexandre Monnin, philosophe – La synthèse artificielle : les IA génératives et le régime de l’ésotérisme mémétique
    • La multiplication des textes et des images, à partir de corpus existants (eux-mêmes progressivement produits par des machines) suscite, à bon droit, de multiples interrogations. On a cependant peu noté que cette nouvelle forme d’automatisation est contemporaine de comportements humains que l’on pourrait qualifier, si ce n’est de génératifs, du moins de « dérivatifs ». On pense en particulier à la mémétique, la production d’images (souvent accompagnées de courts textes), destinés à une large circulation. Au-delà d’une sous-culture du Web, la mémétique a été investie d’une dimension à la fois politique, ésotérique et magique. Tant et si bien que la phrase : “We memed him to the White House”, à propos de Donald Trump, est elle-même devenue un mème chez ses soutiens suite à l’élection présidentielle américaine de 2016. Aussi le développement des IA génératives intervient-il dans un contexte où le régime des images (et de leur propagation) a acquis une dimension nouvelle. La synthèse artificielle des IA doit être analysée en regard de ce phénomène inédit. 
  • Dominique Boullier (Sciences-Po) – IA génératives et LLM probabilistes : contre la tyrannie du retard, pour une sécession sémantique européenne
    • La course à l’augmentation des paramètres, à l’accumulation de GPU et à la prédation massive de données pour entraîner les modèles d’intelligence artificielle (IA) générative n’a rien d’une fatalité. DeepSeek prouve qu’il est possible de faire aussi bien avec moins. Mais surtout, de nombreux modèles plus petits commettent moins d’erreurs en réduisant la part de probabilités au profit d’une approche sémantique, renseignée par des experts d’un domaine professionnel restreint. Un choix civilisationnel est en cours : celui entre des IA probabilistes, opaques, irresponsables et coloniales, et des IA à fortes valeur sémantique ajoutée, explicables, responsables sur les plans légaux et écologiques, et contrôlables par les collectifs locaux concernés. Les solutions existent, qu’elles viennent du monde alternatif ou de solutions déjà commercialisées par des entreprises de toutes tailles.

14h30-16h30

Session 2. Analyse, synthèse, imagination : questions épistémologiques

  • Yuk Hui, philosophe (Erasmus Un. Rotterdam) – Fonctionnalité et Créativité
  • Maël Montévil (ENS-CNRS) – De la fonction du processus de synthèse
  • Marie-Claude Bossière (Pédopsychiatre) – Comodalité sensorielle et synthèse dans le développement de l’enfant
    • Comment le bébé, à partir d’un état de prématurité totale, acquiert, au travers de ses expériences sensorielles diverses et singulières, la capacité de les synthétiser et de penser le monde ?
  • M. Beatrice Fazi, philosophe (Sussex Un.) – La synthèse et la question de l’unité
    • This talk examines how generative AI systems engage in a “computational search for unity.” Moving beyond viewing “synthetic” as merely “artificial,” it focuses on the unifying dimensions of synthesis in large language models (LLMs). While LLMs cannot reference an external world, they create a structured whole of distributed representations. Drawing on transcendental philosophy, the talk argues that LLMs construct their own “representational world within” rather than referring to “the world.” Unity in computation is that of a structure, not a self, with representation remaining central to synthetic activity. These distinctions preserve aspects of Kantian synthesis without anthropomorphizing AI. The argument presented in this talk considers whether computational structuring produces a form of thought without external referents, exploring the fundamental question of whether synthetic AI outputs should be understood as real in their own right.
  • Michael Crevoisier, philosophe (Un. Marie et Louis Pasteur) – L’impureté technique de la synthèse de l’imagination
    • En quel sens les « IA générative d’images » produisent-elles des images de synthèse ? S’agit-il seulement d’un nouveau type d’images synthétiques ou l’imagination, comme opération de production d’images, est-elle aussi concernée ? Le problème est moins ontologique (qu’est-ce qu’une imagination artificielle ?) que méthodologique : comment analyser la relation entre la faculté d’imaginer et l’évolution technologique ? En focalisant ce problème sur le sens à donner à la synthèse qu’opère l’imagination, nous proposons à partir de la caractérisation kantienne de ce problème, de comprendre comment les méthodes de Simondon (analogie), Derrida (déconstruction) et Stiegler (organologie) ouvrent la voie à une pensée de l’impureté technique de la synthèse de l’imagination, invitant à réfléchir à nouveaux frais l’opposition entre synthèse et analyse.

17h-19h

Session 3. Synthèse artificielle, nouveaux métiers, nouveaux collectifs

  • Spartaco Puttini (Fondation Feltrinelli) – Les défis de la recherche de nouveaux modèles
    • Dans l’histoire, les révolutions industrielles ont toujours provoqué des bifurcations. Mais aujourd’hui c’est fort probable que la tache soit bien au delà des limites de nos sociétés. Il y a plusieurs défis auxquels se confronter pour promouvoir un gouvernement de l’innovation technologique qui puisse bénéficier à la société en tant que telle, les couches sociales et les territoires les plus défavorisés surtout. Avant tout il nous manque les concepts pour gouverner les grandes transformations (économiques, sociales, techniques). Car nous nous sommes convaincus qu’il faut laisser faire les forces incontournables et magiques du marché pour obtenir un résultat optimale. Or, rien de cela ne s’est passé. Le deuxième enjeu c’est la question de l’échelle dans un contexte ou la dimension nationale doit fixer ses priorités en lien avec le niveau européenne et le niveau local. Et c’est toujours plus compliqué de comprendre qui doit faire quoi. La troisième questionne qui se pose c’est celle de la direction de la transformation. Pour faire quoi en fait? Au profit de qui surtout? Ces trois questions introduisent un espace de la recherche, de la culture et de la politique, des choix de la collectivité, en question. S’ouvre, pour la première fois, ici, en Europe, l’opportunité de réfléchir à nouveau à des paradigmes de développement. Et cela ne manquera pas de traverser plusieurs contradictions et conflits. Nous sommes à la croisée de chemins: pour ce qui concerne la tension entre force de production et rapport de production ; pour ce qui concerne la nécessité de sauver la planète et la nécessité plus proche d’arriver à la fin du mois ; pour ce qui concerne la promesse de prospérité qui risque de se renverser dans une réalité de la misère. Face à ces défis multiples qu’est-ce que peut faire la recherche? Qu’est-ce que peut faire la culture?
  • Amaranta Lopez (EHESS) – Imaginaires domestiques de l’IA et reproduction sociale
    • Alliant féminisme de la reproduction sociale et féminisme post-humain, cette communication vise à examiner le caractère disruptif de l’IA dans l’espace domestique compris comme un terrain de dispute entre capitalisme et luttes sociales, en particulier féministes. Par la (dés)incarnation de l’archétype domestique de la femme au foyer, les assistantes vocales permettent de prolonger et reconfigurer une subjectivité à la fois consumériste et dominante, tout en invisibilisant le travail humain (genré et racialisé) derrière les chaînes de production et d’approvisionnement, agissant ainsi comme dispositif de micropédagogies du quotidien au service du colonialisme des données/capital algorithmique. Des propositions féministes de déprolétarisation par le design contributif basé sur des perspectives radicalement situées seront par la suite évoquées comme contrepoint.
  • Nayla Glaise (Ugict-CGT et Eurocadres) – Le management algorithmique et son impact sur la santé au travail
    • L’intelligence artificielle (IA) transforme le monde du travail, modifiant profondément les emplois, la reconnaissance des compétences et les conditions de travail. Si l’IA promet des gains de productivité, elle menace également la valeur du travail humain, creuse les inégalités et crée des défis majeurs en matière de salaires, de santé, de sécurité et d’équité au travail. Des travailleurs des plateformes aux annotateurs des données, l’IA crée des conditions précaires avec un fort impact sur la santé. Ces effets sont également graves pour les travailleurs qualifiés, dont les fonctions sont confrontées à l’automatisation et à l’appropriation par l’IA générative, ainsi que pour les travailleurs vulnérables et certains groupes spécifiques comme les femmes, qui sont touchés de manière disproportionnée par les biais et la discrimination, relayés de manière exponentielle par les algorithmes.
  • Warren Sack, philosophe (UC Santa Cruz) – L’IA comme rhétorique et « parafiction »
    • In 1942 Joseph Schumpeter declared that the process of creative destruction is the essential fact about capitalism.  The latest iteration of creative destruction in the current flavor of capitalism, surveillance capitalism, is Silicon Valley’s pursuit of disruption aka the destruction of existing institutions and the construction of new institutions with artificial intelligence (AI) systems that are founded on the non-cooperative, data extractions of surveillance capitalism. For example, Amazon began by disrupting not only the business but the institutions of the book-as-commodity.  Uber disrupted the taxis, taxi driving, dispatch, the very institution of “catching a cab.”  As philosopher Bernard Stiegler observed in his 2016 book Dans la disruption : comment ne pas devenir fou ? the American giants of surveillance capitalism — Amazon, Google, Facebook, Apple, etc. — constitute a new hegemony presiding over a global disintegration of social and cultural norms (p. 22). This essay shortly reviews some of the key texts of design and computation from the last two decades and argues for specific ways in which design needs to be reconceptualized in order to remain vital for the contemporary conditions of surveillance capitalism.  Of special concern is the reconceptualization of context of design as it is practiced in contemporary capitalism.  We proposed to understand capitalism as a specific group of people with human and non-human means to destroy existing institutions and construct new ones.  Design today must therefore consider not just what to make but also how to respond to capitalism’s voracious appetite to destroy everything already made.

Mercredi 18 juin

10h-13h

Session 4. De l’image de synthèse à la synthèse d’image : la disruption du sensible

  • Anaïs Nony, philosophe (Johannesburg Institute for Advanced Study) – Disruption des savoirs et du sensible
  • Ariel Kyrou, écrivain et journaliste – Les imaginaires de l’IA
  • Olga Kobryn, artiste – Synthèse des sens
  • Caroline Sinders, artiste Articulation et synthèse d’image
  • Valérie Cordy (La Fabrique de Théâtre) Que fait Adélaïde ?

14h30-16h

Session 5. Pour une économie de la contribution : cadre juridique et cadre de confiance

  • Antoinette Rouvroy (Namur Un.) – Le nouveau régime de facticité
  • Franck Cormerais (IRI-Un. Bordeaux Montaigne) – Nouvelle critique, IA et capitalisme algorithmique et économie de la contribution
    • La « nouvelle critique » dont parlait Bernard Stiegler rencontre aujourd’hui une nouvelle synthèse, celle du numérique, qui entre dans toutes les sphères de l’existence. L’IA, pointe de l’avancée technologique d’un capitalisme algorithmique, annonce l’avènement d’un post-libéralisme qu’il convient d’aborder comme nouvelle étape de la grammatisation. Nous la confrontons ensuite l’économie de contribution, apparue dans les années 2010, pour essayer d’en préciser aujourd’hui les enjeux du local à l’internation.
  • Nathalie Casemajor (Centre Urbanisation Culture Société, INRS) – L’entre-prise des communs : le modèle Wikimedia Enterprise
    • En 2021, Wikimédia a lancé une filiale commerciale nommée Enterprise. Vingt ans après la création de Wikipédia, pourquoi ce mouvement emblématique du Web collaboratif et de l’Internet non marchand, a-t-il pris cette direction ? Je propose d’analyser cette initiative comme le plus récent chapitre d’une longue histoire d’entre-prises (au sens d’attaches mutuelles) entre un commun du numérique et les géants de la Tech. À travers sa filiale Entreprise, la WMF vise à bâtir une interface avec le capitalisme de plateforme, au sein d’un système d’acteurs commerciaux interconnectés, sans pour autant renoncer à son modèle distinct de production et de gouvernance guidé par une éthique F/LOSS. En s’appuyant sur les différentes prises qui l’attachent à Google, Wikimédia cherche ainsi à exercer un certain pouvoir de définir les termes de leur relation structurante.Franck Cormerais (IRI-Un. Bordeaux Montaigne) – Économie contributive, capitalisme algorithmique et IA
  • Armen Khatchatourov (DICEN/Un. Gustave Eiffel) Une approche heuristique de la normativité dans l’IA
    • Les couches multiples de normativité ne sont jamais monolithiques ou réductibles à une domination à sens unique. Il existe au contraire une imbrication de différents mécanismes normatifs, liés à des formes parfois concurrentes de gouvernementalité. Cette contribution appliquera ce cadre d’inspiration foucaldienne à des agencements socio-techniques récents. La prolifération des systèmes basés sur l’IA a conduit à de nouvelles façons dont la normativité est enchevêtrée dans les systèmes techniques. D’une part, la normativité sociale se traduit par des systèmes IA dynamiques plutôt que par un ensemble de règles sociales à évolution lente. Dans ce cas, la question serait de savoir ce qui est considéré comme une erreur ou un biais, et par rapport à quel vision du “normal” – et comment les écarts et les alignements sont traités. D’autre part, la normativité sociale elle-même – non seulement dans son contenu mais aussi dans la manière même dont nous nous rapportons à elle – est affectée par l’opacité et l’adaptabilité des modèles de l’apprentissage machine, qui produisent néanmoins de nouvelles attentes, de nouveaux comportements et une forme de gouvernementalité algorithmique. Notre désorientation actuelle vient en partie de cette incapacité à démêler ces imbrications. Nous présenterons donc une approche heuristique pour aborder les multiples façons dont les concepts normatifs sont en jeu dans les technologies de l’IA.
  • Antoine Srun (Wikimedia France) – Usages et limites de l’IA sur Wikipedia

16h30-19h

Session 6. Sémantique, statistique, contribution : le design de nouveaux agencements

  • Christian Fauré (Octo Technology) – La part incalculable du numérique
    • Dans un monde où chaque aspect semble devoir être mesuré, quantifié ou calculé, nous réalisons souvent qu’il nous manque quelque chose d’essentiel au-delà des chiffres et des algorithmes. Ce qui nous manque et qui échappe aux calculs, nous l’appelons l’incalculable : qu’il s’agisse de l’intuition, des émotions, de l’inconnu ou du mystère. Cet incalculable représente la dimension cachée des technologies numériques, une composante essentielle qu’il est urgent d’intégrer dans nos modes de pensée et d’action pour apporter de la profondeur et du sens aux transformations que nous entreprenons
  • Florence Jamet-Pinkiewicz (Ecole Estienne) – Ré-interfacer les IA : du prompt au design d’interface
    • L’usage généralisé des IA comme assistant, conseiller ou secrétaire, et leur intégration au sein de nos outils, pour traiter des informations et des contenus, faire des retranscriptions, concevoir un visuel, organiser des données, invitent à interroger la nature de la participation humaine à la génération « automatique ». Et tout particulièrement la place du design dans ces agencements de modèles. Comment ré-interfacer nos systèmes de publications et comment repenser le design d’interface lui-même ? Lorsque nous écrivons, et contribuons en ligne, nous pouvons observer que le Web actuel n’est pas seulement envahi de contenus générés par IA qu’il a nourri, mais qu’il est aussi profondément re-questionné par les possibles des IA : de l’auto-génération de sites à la structure sémantique permettant la recherche et l’indexation des contenus. Les modèles conversationnels que nous pratiquons maintenant tendent à « naturaliser » les interactions et donc à faire disparaître les interfaces. Comment le designer peut-il s’emparer des IA pour les agencer et rendre des interfaces plus lisibles, signifiantes ou plus  « simples » ?  Pour repenser le sens de nos interactions et préciser nos relations avec des technologies de plus en plus complexes et opaques ?
  • Anne Asensio (Dassault Systèmes) – Comment l’IA peut s’intégrer à un groupe ?
  • Bertrand Delezoide (Blue AI) – Vers une Intelligence Artificielle Responsable : l’Humain, la Santé, et la Transparence au cœur de BleuAI
    • BleuAI développe des modèles d’intelligence artificielle centrés sur l’humain, notamment dans le domaine de la santé, avec une exigence forte de transparence, d’éthique et de respect de la vie privée. En misant sur des technologies explicables, peu énergivores et conformes aux réglementations, BleuAI construit une IA de confiance, au service du soin et de la société.
  • Harry Halpin (Nym Technologies) Artificial intelligence versus collective intelligence
    • The ontological presupposition of artificial intelligence (AI) is the liberal autonomous human subject of Locke and Kant, and the ideology of AI is the automation of this particular conception of intelligence. This is demonstrated in detail in classical AI by the work of Simon, who explicitly connected his work on AI to a wider programme in cognitive science, economics, and politics to perfect capitalism. Although Dreyfus produced a powerful Heideggerian critique of classical AI, work on neural networks in AI was ultimately based on the individual as the locus of intelligence. Yet this conception of AI both fails to grasp the essence of large language models, which are a statistical model of human language on the Web. The training data that enables AI is the surveillance and capture of data, where the data creates a model to approximate the entire world. However, there is a more hidden ideology inherent in AI where the goal is not to perfect a model but to control the world. As prompted by an argument between Mead and Bateson, social change is prevented by the application of cybernetics to society as a whole. The goal of AI is not just to replace human beings, but to manage humans to preserve existing power relations. As the source of intelligence in AI is distributed cognition between humans and machines, the alternative to AI is collec- tive intelligence. As theorized by Licklider and Engelbart at the dawn of the Internet, collective intelligence explains how computers weave together both human and non-human intelligence. Rather than replace human intelligence, this produces ever more complex collective forms of intelligence. Rather than meta-stabilize a society of control, collective intelligence can go outside individualist capitalist ontology by incorporating the open world of the pluriverse, as theorized by Escobar. Collective intelligence then stands as an alternative ontological path for AI which puts intelligence at the service of humanity and the world rather than a technocratic elite.

Programme in English :

Artificial Synthesis and Human Contribution: Towards a New Knowledge Milieu

Artificial Intelligence has effectively saturated the media and scientific discourse for the past two years, and with good reason. We are witnessing cascading consequences across environmental, labor, political, and artistic domains. The cadence of “innovation” now far outpaces the public’s capacity for reflection. In response, we could easily denounce the threats posed by generative AI, echoing Éric Sadin’s AI counter-summit in February. Rather than parrot familiar grievances, the 2025 edition of the Entretiens du Nouveau Monde Industriel (ENMI) invites participants to reframe the status of AI within larger philosophical, industrial, and cultural schemas.

Opening the space for debate, exchange, and reflection, these upcoming ENMI sessions challenge participants to bridge models of symbolic analysis with the processes of statistical synthesis; to integrate contributive practices with artificial syntheses; and to both critically examine and reimagine these new knowledge milieus and social networks. Framing the 2025 ENMI sessions, these research questions investigate how contributive technologies and practices transform with tools of “artificial” synthesis, and how these dynamics might foster a new ecology of the mind.

What Do We Mean by “Artificial” Synthesis?

Our consideration of synthesis integrates biological, kantian, and organological precepts; and “artificial” synthesis is nourished by these foundations. Philosophically, the notion of synthesis was first explored through symbolic or semantic models, especially for the synthesis of sound and image. Yet even earlier, Kant proposed a layered theory of synthesis : perceptive (pre-categorical) synthesis in sensitivity, reproductive synthesis through memory, and intellectual synthesis in understanding. Listening to music, for example, engages each of these three dimensions : anticipation, recognition, and association.

Synthesis, then, is not merely a static assembly; it is an integrative, reflective, and active perceptual process. Imagination is essential for synthesis, yet it hangs in the precarious balance between conditioning and freedom. Today, this freedom is increasingly constrained by the data-saturated digital milieu, which guides our perception through priming, patterning, and prediction.

Acknowledging this emerging role of the digital milieu, how does the automation of imagination affect childhood development ? Can artistic practice still serve as a counterpoint ? As an actor memorizes a script, “automating” it, only to transcend, improvise, and move toward an indeterminate « aesthetic Idea, » how can we imagine the incalculable through the calculable, or the infinite through the finite ? As Yuk Hui highlights in his reading of Kant, this requires us to re- examine the “conflict of the faculties” (human and algorithmic) within the framework of an “organology” that opens new spaces where, as with Simondon, imagination leads to invention.

In this scope, should we think in terms of adaptation ? Hybridization ? Perhaps delegation to an imaginary material beyond human reach, as Michael Crevoisier suggests ? Adoption of a new sensory regime ? These are aesthetic, epistemological, technological, and political questions that must be explored.

Speaking of “artificial” synthesis does not tell us anything precise. The natural-artificial divide is once again inadequate. We must instead explore the rich world of synthesis as it pertains to life, imagination, and technology—distinguishing between organic, symbolic, and statistical synthesis. We must also imagine « organological » synthesis in the wake of Bernard Stiegler.

The Need for a New Knowledge Ecology

The 2024 Entretiens du Nouveau Monde Industriel opened avenues of reflection on a new industrial ecology that cares for its digital milieu, with the AI debate already central to these discussions. This year, our goal is to extend these perspectives by precisely distinguishing between analysis and synthesis within statistical models, exploring how they must be re-articulated with symbolic models and contributive dynamics to enhance interpretation and knowledge development.

Synthesis, when detached from an understanding of analysis, sources, grammars, rules, and contexts, fuels the aspiration to develop a general AI that is autonomous, deterritorialized, and decontextualized—one that integrates context only in its calculations. This threatens both technodiversity and noodiversity, reinforcing the speculative arguments of a new hegemonic cognitive capitalism.

As usual, we will engage with this theme through a preparatory seminar in June, as well as the Entretiens du Nouveau Monde Industriel in December, and a book to be published the following year. We aim to bring together theoretical, political, economic, artistic, and industrial perspectives to better understand how to re-articulate analysis, synthesis, and imagination in the era of AI threat is immense, but many projects are adapting and innovating by combining semantic, statistical, and contributive technologies.

Six Converging Perspectives

The theme of the ENMI will be explored through six key axes:

1. An Overview of the Economic Models of Artificial Synthesis

How does artificial synthesis fit within a rootless techno-capitalism that, through general or generic AI, risks severing ties with its contexts, professions, and territories, potentially degrading its performance if it fails to establish new alliances with human contribution?

2. A Philosophical and Epistemological Perspective

How has synthesis functioned in biological contexts such as photosynthesis? Conversely, from a Kantian perspective, have we not always considered synthesis as “artificial” ? How can contributive approaches and categorical thinking still engage in the dialogue with AI ? What historical insights can we bring to this evolution, and how should we reinterpret theoretical computer science in light of the convergence of symbolic and statistical approaches ? How can synthetic outputs be recontextualized to their sources, analysis methods, and human contributions, as Jaron Lanier suggests ? Can we design synthesis tools not just for individuals but for groups ? What would an ecology of synthetic environments look like ?

3. A Focus on Creative Practices

We are no longer dealing with “synthetic images” but with “image vectors.” Beyond that, imaginative synthesis is now subject to computation, challenging and disrupting artistic practices and professions. How do we ensure traceability, open-source licensing, and ethical large language models (LLMs) ? What are the implications for education ?

4. A Critical Study of Contradictory Publications on AI and Employment

Recognizing the importance of “digital labor” and the symbolic poverty of click workers is critical. We must also distinguish which aspects of our professions are now automatable in knowledge analysis and synthesis without conflating them with the collective, incalculable realm of knowledge production. Is this a net destruction of employment or rather a trend of de-skilling due to proletarianization? Who benefits from this new productivity, and how can it be leveraged to create new spaces of autonomy and knowledge production that go beyond mere employment?

5. A Call for the Recognition and Support of Collaborative and Contributive Dynamics

Legal frameworks—such as those supporting Wikipedia—aim to protect open knowledge ecosystems from new forms of predation that would exploit them to sustain AI systems that would otherwise stagnate. What economic models could ensure a fairer redistribution of these profits? How can financial support be structured for contributive practices, especially in communities where residents, artists, and amateurs produce “contributed data” ? How do we move beyond open-source models to conceptualize a “share-source” model based on contributed data, as Francis Jutand proposes.

6. Concrete Illustrations of Innovative Configurations of Semantic and Statistical Models with Contributive Technologies

How can we envision a new web of interpretation, critique, and democracy that revitalizes hermeneutic practices through categorization, annotation, editorialization, or deliberation? Can we rethink CivicTech, EdTech, and MedTech initiatives in startups and major corporations?

A Collaborative and Cross-Disciplinary Approach

The overarching theme of Artificial Synthesis and Contribution will be developed with our Scientific and Industrial College and aligns with the AI des Lumières report recently published by Cap Digital under the direction of Francis Jutand—one of the founders of the Entretiens du Nouveau Monde Industriel in 2007. It also extends our partnership with the Feltrinelli Foundation, with whom we collaborated in 2021 (report here) on the transformation of labor.

By exploring these questions, we hope to contribute to a renewed understanding of synthesis, knowledge creation, and collective intelligence in the digital age.

Partenaires :

Citations

1 Shumailov, I., Shumaylov, Z., Zhao, Y. et al. AI models collapse when trained on recursively generated data. Nature 631, 755–759 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07566-y

2 Casilli Antonio, En attendant les robots. Enquête sur les travailleurs du clic, Paris: Seuil, 2019.

3 Yuk Hui, « L’imagination et l’infini. Une critique de l’imagination artificielle », Philosophique [En

ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 26 janvier 2024, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://

journals.openedition.org/philosophique/1830

4 Michaël Crevoisier, « L’imagination artificielle est-elle créatrice ? », Philosophique [En ligne], 27 |

2024, mis en ligne le 26 janvier 2024, consulté le 07 février 2024. URL : http://

journals.openedition.org/philosophique/1827

5 Anaïs Nony, Performative Images. A Philosophy of Video Art Technology in France, Amsterdam: Amsterdam University Press, 2023.

6 Marie-Claude Bossière, Le bébé au temps du numérique. Paris: Hermann, 2021.

7 Cf. Colloque « Hyper-interprétation et savoirs à l’ère du digital » organisé par Franck Cormerais et Armen Khatchatourov, 18-19 mars 2024 (https://iri-ressources.org/collections/collection-55.htm)

8 Antoinette Rouvroy et Bernard Stiegler, « Le régime de vérité numérique », Socio [En ligne], 4 | 2015, mis en ligne le 28 mai 2015, consulté le 01 avril 2025. Antoinette Rouvroy et Bernard Stiegler, « Le régime de vérité numérique », Socio [En ligne], 4 | 2015, mis en ligne le 28 mai 2015, consulté le 01 avril 2025. 

9 https://www.theguardian.com/technology/2023/mar/23/tech-guru-jaron-lanier-the-danger-isnt-that-ai-destroys-us-its-that-it-drives-us-insane

10 Tiziana Terranova, Network culture. London: Pluto Press, 2004.

11 Antonio Casilli, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Seuil, 2019

12 L’IA des Lumières. Pour un développement éthique de l’IA. Cap Digital 2025

Depuis 2007, l’IRI (Institut de recherche et d’Innovation du Centrei Pompidou),le pôle de compétitivité Cap digital et l’ENSCI – Les Ateliers (École nationale supérieure de création industrielle) organisent une manifestation commune, Les Entretiens du nouveau monde industriel, qui ont vocation à se dérouler chaque année.

La première édition qui s’est tenue les 27 et 28 novembre 2007 avait pour objectif d’engager une réflexion sur les enjeux de l’innovation dite ascendante, et liée aux technologies collaboratives, du point de vue du design et de la conception industrielle, et à l’époque où les technologies du numériques se généralisent comme les technologies cognitives et comme technologies culturelles, et au moment où émergent les technologies transformationnelles (biotechnologies et nanotechnologies).

→ Retouvez les enregistrements des différentes éditions des ENMI : Les entretiens du nouveau monde industriel sur iri-ressources.org

→ Retrouvez les sites évènementiels des ENMI :

Retrouvez ci-dessous le plan pour l’égalité des genres au sein de l’IRI et de ses projets pour 2024-2026.

Vous pouvez accéder au futur site du projet PULSE-ART en cliquant sur ce lien.

PULSE-ART vise à démontrer comment l’utilisation des arts dans l’éducation contribue au développement de la capacitation et de l’expression culturelle (CAE (Cultural Awareness and Expression) pour la jeunesse européenne. Le projet intégre une perspective d’apprentissage tout au long de la vie en identifiant les lacunes et en surmontant les obstacles afin de favoriser les opportunités d’accroître les capacités du système éducatif à soutenir les apprenants dans l’acquisition de connaissances et la pratique de savoirs. Le projet implique divers établissements d’enseignement, des organisations artistiques et du patrimoine culturel et des centres d’innovation dans des partenariats collaboratifs pour produire des preuves de concept et éclairer les politiques.


Les 7 études de cas ciblées :

  1. Game jams (Université de Malte, MA)
  2. Jeux vidéo (IRI, FR)
  3. Arts de la scène (Waag, NL)
  4. Illustration scientifique (Musée national des sciences naturelles, ES)
  5. Danse (Université de Daugavpils, LV)
  6. Art visuel numérique (Fondation pour la recherche et la technologie Hellas, GR)
  7. Musique (Association Euro Méditerranéenne des Economistes, MR)

https://regeneractionproject.eu/

The Urban Community Builder (UCB) can be described as an ecological figure: ecological is here used in the sense given by Félix Guattari in the Three Ecologies (1989), one of the most influential books for contemporary ecological studies. It is there that the french psychiatrist, activist, and philosopher reframed the notion of ecology in a broader sense which fits perfectly, in our views, the main goal of the Regeneraction project, that is to define the role and the aims of new agents for the ecological transition: Urban Community Builders.

Etymologically, the term ecology comes from the ancient greek (oikos-logia, the science of the house) and it is normally used to describe the science of the material fluxes and of the relationships between humans and non-humans within their physical environment. But, as Guattari argued, we cannot fully understand our present epoch and the issues arising from the ecological state of emergency if we do not also analyze the mental and social spheres–that is to say the psychological, cultural, organizational, and technical features of our way of living–in a strict relation to the environmental one.

This framework is very fruitful for understanding the possible role played by UCBs within urban regeneration actions (regeneractions), as well as the kind of co-designed activities that these figures could locally implement in order to tackle contemporary urban issues (from the redesign and reuse of architectural spaces, to the redesign of proximity services). The three levels of analysis (mental, social and environmental) proposed by Guattari are equally important to be taken into account:

i) for when we imagine the possible regenerative actions for the ecological renewal of our cities and our ways of living in urban contexts;

ii) as well as for individuating the necessary characteristics (skills, knowledge) needed by UCBs that this project aims to empower–or better, to capacitate (A. Sen, 2000; B. Stiegler, 2020), that is to say, to improve their ability to act, individually and collectively, in their environment.

Hence, UCBs are major vector-figures for a democratic, inclusive, and just ecological transition. They are intended here as both a moral or juridical person (NGO, association, innovation hub, and the like) who plays a pivotal role in urban spaces through the creation of trans-sectorial and trans-disciplinary activities in a territory with a strong connection with local networks of trust that are often already present but need to be supported for rethinking and enacting new relationships between cities and the peri-urban areas. 

When these networks are not already established, UCBs work toward that direction. The aim? Taking care of individual, social and environmental local issues in strong collaboration with private and public territorial actors. This new professional profile could be inserted within already existing public institutions or recognised by (and strongly collaborate with) them from the exterior. Given the different forms of collaboration that are already existing in many territories and which have been studied by the RegenerAction project so far, we do not want to restrict the possibilities for these new forms of work that are needed in our territories. Physical presence, proximity, and knowledge of the territorial actors are key features for (re)building the sense of belonging and a new territorial model of economic and social development.

The experimentation of such activities is urgent and necessary to found new political-institutional, socio-economic, as well as new technological imaginaries against the closure of the possible that is conceptually embodied in what has been called the Anthropocene era. In the climate and social emergencies that characterizes our contemporary era, this reinvention requires close collaboration between active inhabitants and institutions within these territories that are bearing imagination, energy and possibility for a better future.

The project aims to acknowledge and appreciate the contributions of these individuals, comprehend their responsibilities, and identify The specific competencies required to initiate participatory regeneration efforts through the adoption of best practices. The project also seeks to provide comprehensive training to these Urban Community Builders, focusing particularly on three key areas that align with European policie

• Green competencies: Reference will be made to the Green Comp framework, emphasizing the importance of environmental knowledge and skills in urban regeneration initiatives.

• Public-private-people partnership: Recognizing the significance of engaging the community, the project emphasizes the establishment of collaborative relationships among public, private, and community stakeholders.

• Digital skills: Given the era of digital transformation, effective communication through digital tools is vital in conveying the desired changes and fostering community involvement.

Paris kick-off meeting – 16th and 17th of February, 2023
Paris kick-off meeting – 16th and 17th of February, 2023

Séminaire préparatoire : 25 et 26 juin 2024 

Maison Suger, FMSH, 16 rue Suger, 75006 Paris

Partenaires :

ECOLOGIE ET ORGANOLOGIE DE L’INDUSTRIE

Pour une bifurcation vers l’éco-technologie et les nouvelles localités industrielles

1 – Thème des entretiens

Le 12 mai 2023 en visite à Dunkerque, ville du Nord érigée par l’Élysée en symbole de sa politique de réindustrialisation tournée vers la transition écologique, Emmanuel Macron a confirmé l’implantation d’une usine de batteries du taïwanais Prologium (3000 emplois, investissement de 5,2 milliards d’euros) ainsi que la construction prochaine d’une usine de batteries électriques au lithium (1700 emplois, investissement de 1,5 milliard d’euros) fruit d’un partenariat entre le français Orano et la société chinoise XTC. Selon le vice-président de ProLogium1, ces projets de « gigafactorys » constituent un « véritable écosystème pour les batteries dans le nord de la France ».

A quelle « écologie » cet « écosystème » fait-il référence ? S’il procède bien d’une « planification écologique » s’appuie-t-il sur des dynamiques territoriales durables ou répond-il d’abord à un contexte géopolitique national et international ? Ne faut-il pas renoncer à la notion d’écosystème quand celle-ci n’a plus aucun des caractères anti-entropiques et historiques que l’on trouve dans le vivant ?

Dans le cadre de nos entretiens, pour mieux comprendre les enjeux et les tensions et proposer de nouvelles approches industrielles, nous partons de la richesse et de la diversité des « localités » qui produisent de nouveaux savoirs. Est-ce que les fablabs, les usines distribuées, les circuits courts, l’économie circulaire, les projets low-tech et les coopératives numériques peuvent contribuer à une dynamique d’innovation ascendante qui crée une « nouvelle écologie industrielle » ?

Écologie et industrie. Au premier abord, les deux termes semblent antinomiques tant l’actualité politique dresse de plus en plus les défenseurs de l’environnement contre les tenants d’un capitalisme vert ou d’un techno-solutionnisme éclairé comme seul remède possible à la crise. Loin de tout retour à une ère post-industrielle, ne faut-il pas repenser à la suite de Bernard Stiegler une ère hyper-industrielle comme porte de sortie au modèle productiviste de la même manière que la Convention et le Saint-Simonisme posaient l’industrie comme une nouvelle révolution ?

La question de l’industrie était déjà à l’origine de la création de l’association Ars Industrialis en 2005 qui proposait de partir de cette définition pour la critiquer et la dépasser : « L’industrie est ce qui suppose du capital libre s’investissant dans de la technologie permettant de gagner en productivité et de réaliser des économies d’échelles ». Comment aujourd’hui repenser cette question de la productivité et donc de la production dans ce que beaucoup évoquent comme une nécessaire « transition » ? Or, même le discours sur la « transition », se révèle être, à tout le moins sur le plan énergétique, au mieux une injonction consensuelle car non définie, ou au pire une contre-vérité scientifique et historique comme le soutient aujourd’hui Jean-Baptiste Fressoz2.

Plus que celle de la transition, notre hypothèse est celle de la « bifurcation »3 à la suite de Gilbert Simondon et Bernard Stiegler. Elle tient d’une part qu’il n’y a pas d’écologie possible sans organologie et sans pharmacologie et que, d’autre part, repenser l’écosystème de l’industrie c’est d’abord penser la technologie comme un écosystème. Ne faut-il pas ici tisser des relations d’échelle et des analogies entre l’industrie et la technologie telle que théorisée par Simondon ? Une « éco-technologie » pour reprendre le terme jamais employé par Simondon mais tel qu’il est discuté dans l’ouvrage collectif dirigé Jean-Hugues Barthelemy et Ludovic Duhem4 ou plus récemment par Victor Petit dans l’ouvrage coordonné par Mathieu Triclot5 mais qui était déjà discuté dans les colloques de Cerisy organisés par Vincent Bontems en 2016 et en 20236.

Cette question de l’éco-technologie est à l’opposé d’une vision « verte » de l’industrie qui se réduit le plus souvent à diminuer l’impact énergétique, ou l’impact carbone. C’est une vision systémique qui reconsidère des localités de production où la question du « rendement » ou du « progrès » s’envisage à la suite de Simondon d’abord comme une « concrétisation » c’est-à-dire une optimisation métastable du couplage des individus (biologiques, techniques, sociaux) à leurs milieux. N’est-ce pas une autre manière de s’interroger sur la mécroissance ? N’est-ce pas aussi une adresse aux designers pour concevoir des dispositifs capables d’intégrer les contraintes des grandes échelles dans un fonctionnement local ? Une dynamique visant à développer une nouvelle forme de « bienveillance dispositive » qui croise, à bien des égards, ce que l’on nomme aujourd’hui le mouvement « low-tech » et une forme d’extension industrielle des Fablabs ?

Cette nouvelle écologie industrielle serait en réalité imprégnée d’un « milieu » numérique qu’il n’est plus légitime d’isoler comme une filière indépendante. Pourtant, ce milieu apparaît plus que jamais à la fois comme le poison et le remède. Un pharmakon qui, par son impact énergétique (le numérique représente 10% de la consommation énergétique avec un doublement tous les 4 ans), à la fois révèle (apokálupsis) et masque l’ampleur d’une crise qui n’est pas qu’énergétique et environnementale puisqu’elle affecte aussi nos pratiques sociales et intellectuelles. En effet, le déploiement massif des systèmes de traitement de grandes masses de données, dits « d’intelligence artificielle » affecte à présent profondément le monde du travail et de l’industrie mais aussi la production de savoir et la vie de l’esprit. De même que nos systèmes biologiques sont bouleversés par une réduction dramatique de la biodiversité, l’hégémonie des plateformes numériques planétaires et leur utilisation massive de l’IA pour produire du code provoque une perte de technodiversité dans les environnements de développement et favorise aussi, par la maximisation du probable, une menace pour la noodiversité. Nous sommes inexorablement entrainés dans une nouvelle course à la croissance du recours au calcul qui produit une civilisation non pas trop technicienne mais mal-technicienne selon l’expression du philosophe Gilbert Simondon7. Comment, dès lors, repenser une industrie non seulement éco-responsable et sobre, voir ouverte à des renoncements positifs8 mais aussi plus ouverte à de nouvelles formes de savoirs, savoir-faire et savoir-vivre ? Quelles analogies et perspectives croisées pouvons-nous tisser entre le soin de la Terre et le soin de nos écosystèmes industriels ? C’était déjà l’enjeu de nos derniers Entretiens du Nouveau Monde Industriel en 2022 sur le thème « Organisation du vivant, organologie des savoirs » et en 2023 sur « Jeux, gestes et savoirs ». Il s’agit aussi cette année de croiser à nouveaux frais cette question des écosystèmes industriels avec l’enjeu déterminant de la fabrique de la ville, objet de nos Entretiens en 20189.

Penseur des territoires apprenants, Pierre Veltz tient que cette nouvelle industrie façonne et est à la fois modelée par le territoire. Elle oblige à repenser à nouveau frais la localité, loin de tout localisme national ou de vision uniforme de la « relocalisation ». De multiples dispositifs et labels nationaux entendent y contribuer : Territoires d’industrie, Territoires d’innovation, Contrats de relance et de transition, Cœur de ville, Petites villes de demain, …10 L’approche nécessite bien une vision, non seulement technocratique, mais aussi politique dans un contexte où les frontières traditionnelles de la « production » se brouillent, hors du clivage production (artificiel)/engendrement (naturel), et où la production ne s’oppose plus à la « consommation ». Cette approche relancerait peut-être la nécessité d’une articulation sobre et durable, d’une intermittence garantie à tous, entre outil et milieu, entre l’usine et la ville, entre autonomie et hétéronomie, entre travail et emploi. Intermittence au cœur de la proposition de l’économie contributive expérimentée par l’IRI en Seine-Saint-Denis à travers le programme Territoire Apprenant Contributif et la monnaie locale ECO11.

2 – Contexte des entretiens préparatoires

Comme chaque année pour préparer les Entretiens du Nouveau Monde Industriel, l’IRI organise un séminaire favorisant le dialogue et les échanges avec des contributeurs de diverses disciplines et de différents domaines industriels. En croisant pensée théorique et expériences de terrain – y compris celle conduite par l’IRI en Seine-Saint-Denis – il s’agit cette année de tenter de penser les conditions d’une bifurcation vers le design de nouveaux milieux industriels. Cette nouvelle « écologie de l’industrie » – à la fois méthode et système – est ici pensée comme une organologie au sens de Bernard Stiegler en ce qu’elle articule à nouveau frais les écosystèmes biologiques, technologiques et socio-économiques. Elle s’appuie sur la pensée simondonienne d’une éco-technologie pour reconfigurer de nouvelles localités industrielles en prise directe avec les bouleversements géopolitiques et cosmotechniques contemporains. Au redéploiement industriel des années 80/90 permis par la planétarisation des techniques numériques des réseaux (technosphère) et au mythe de l’industrie sans usines, a succédé une géopolitique de l’anthropocène qui impose de repenser l’articulation entre l’industrie et la société et entre production et (re)génération, la place des travailleurs et des habitants, le rôle de la science et la question de la redistribution de la valeur.

Le séminaire préparatoire est programmé les 25 et 26 juin en partenariat avec la FMSH (Maison Suger) et les Entretiens des 18 et 19 décembre au Centre Pompidou concluront cette année de travaux en favorisant au maximum la présentation de méthodes d’expérimentation concrètes notamment de la part des pouvoirs publics, de l’ESS et des acteurs de la nouvelle industrie décentralisée comme des grands groupes.

3 – Programme

25 juin

10H-12H30

Session 1 – Transition ou bifurcation ? Regards croisés sur l’histoire et les politiques industrielles

Transition ou bifurcation ? Écosystèmes ou milieux ? Planification centralisée ou innovation ascendante ? Modèles physiques ou modèles biologiques ? Quels regards pouvons-nous porter sur l’histoire de l’industrie et des politiques industrielles et sur leurs fondements épistémologiques et sémiotiques pour dégager une nouvelle critique et une nouvelle fabrique de l’industrie ?

Intervenants

  • Giuseppe Longo, mathématicien (ENS-Cnrs) – Le nouveau pythagorisme impératif, convergences épistémiques entre technosciences et industrie
  • Sophie Pène, sociolinguiste (Un. Paris Cité) – Ce qu’écosystème veut dire, dans la langue du « réarmement de l’économie »
  • Michal Krzykawski, philosophe (Silesia Un. et programme NEST) – Les fonds socioculturels de l’intelligence artificielle. Quels épistémologies pratiques et savoir-faire pour les grands modèles de langage européens ?
  • Pierre Musso, philosophe (professeur honoraire à Telecom ParisTech) – La vision occidentale de l’industrie construite à coups de bifurcations

14H-16H30

Session 2 – Eco-technologie, techno-esthétique et imaginaires de l’industrie

Pour Gilbert Simondon, l’individu (et par extension l’objet technique) qui optimise le « rendement » de son rapport à son milieu fonde une « techno-esthétique » à tel point que nous devrions pouvoir distinguer, dans le monde industriel, les systèmes monstrueux ou infidèles à leur milieu, des systèmes optimisés dans leur concrétisation, c’est-à-dire aussi proches des systèmes biologiques. Comment cette approche que l’on peut qualifier d’« éco-technologique » peut-elle modifier nos démarches d’ingénierie et de design mais aussi les pratiques esthétiques elles-mêmes ? Comment les communautés alternatives et notamment dans le champ de l’écologie peuvent ainsi se réapproprier un discours sur l’industrie ?

Intervenants

  • Victor Petit, philosophe (UTT) – Eco-technologie. Pour une conception orientée milieux.
  • Laurence Allard, maîtresse de conférences, Sciences de la Communication, Université Lille-Fasest-Etudes Culturelles/IRCAV-Sorbonne Nouvelle – Eco-technologies décoloniales :  faire avec les diggers de l’anthropocène 
  • Alexandre Monnin, philosophe (ESC Clermont) – Politiser le renoncement
  • Pierre-Antoine Chardel, philosophe (IMT-BS) et Olaf Avenati, designer (ESAD Reims)

17H-19H

Session 3 – Fabriquer, jouer pour se désautomatiser, vers une nouvelle écologie du travail

Dès son plus jeune âge, l’enfant est confronté à des jouets renforçant les stéréotypes avec lesquels il doit jouer et dont il doit se jouer. Le jouet est ainsi le lieu d’une automatisation à dépasser pour bifurquer. N’est-ce pas aussi l’enjeu de l’ergonomie que de mieux comprendre et maitriser les processus de production pour les dépasser dans le cadre d’une nouvelle écologie du travail durable ? Comment cette nouvelle conception du travail se forge depuis le plus jeune âge et comment peut-elle ouvrir à des perspectives de désautomatisation et de déprolétarisation dans l’entreprise ?

Intervenants

  • Marie-Claude Bossière, pédopsychiatre (IRI), Le jouet et sa récupération par l’industrie numérique – Effets délétères sur l’enfance et sur l’adolescence en l’absence d’une protection par le milieu.
  • Nadia Heddad, ergonome (Un. Paris 1)
  • Sébastien Crozier, Président de la CFE-CGC Orange

Intervention conclusive de la journée :

  • Mael Montévil, mathématique et biologie (Cnrs/ENS), Qu’appelle-t-on produire ?

26 juin

10H-12H30

Session 4 – Écologie et économie de l’industrie : investissement et croissance

Même si les deux notions gagnent à être distinguées, industrie et économie vont de pair. Cette session s’interroge sur les nouvelles écologies/organologies des territoires et leur impact sur les dynamiques économiques durables. Elle tente aussi d’éclairer comment une écologie de l’industrie implique une nouvelle écologie de la monnaie.

Intervenants

  • Franck Cormerais (IRI-Université Bordeaux Montaigne) – Ecologie et économie de la contribution, vers une solidarité organologique industrieuse
  • Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste (Un. Paris 1 & Institut Veblen) – Transformer la monnaie pour rendre possible la bifurcation sociale-écologique
  • Laurent Monnet (Maire Adjoint de Saint-Denis, Conseiller Territorial Plaine Commune), industrie et économie urbaine (sous réserve) et Théo Sentis (IRI), coordinateur du projet de monnaie locale ECO, Industrie et économie urbaine (sous réserve)

14H-16H

Session 5 – Nouvelles Localités industrielles et usines distribuées

Il s’agira dans cette session de donner à voir des exemples concrets de ces nouvelles localités industrielles parfois anciennes ou parfois totalement reconfigurées par le nouveau milieu technologique ou numérique. Quelles leçons peuvent se dégager de ces singularités ?

Intervenants

  • Olivier Landau (IRI) – L’usine distribuée
  • Véronique Maire (ESAD de Reims) – Design, industrie et territoire – Intégration des designers pour tester la mise en réseau des acteurs de la filière bois autour d’outils numériques et de productions ciblées en circuit court avec une démarche d’éco-conception ?
  • Caroline Granier (La fabrique de l’industrie)

16H30-19H

Session 6 – Ecologie du numérique : Fablabs, low-tech, open-source, coopératives de données

Comment le numérique, souvent pointé du doigt pour son impact environnemental à l’heure du fort développement des IAG, peut-il dessiner de nouveaux écosystèmes à même de mieux se réapproprier son « contexte » local et global ? Comment les communautés du libre, « l’éthique du hacker », la figure de l’amateur et du bricoleur, peuvent reconstituer des espaces de capacitation, d’autonomie, d’invention et d’industrie ?

Intervenants

  • Frédéric Lemarchand, sociologue et Fréderic Villain (Demand Side Instruments)
  • Noel Fitzpatrick, philosophe (TU Dublin et programme NEST)
  • Paul Benoit et Rémi Bouzel (Qarnot Computing), La révolution du cloud computing et ses enjeux thermodynamiques et environnementaux.
  • Tahar Belaid (8 connect)

4 – Résumés

Laurence Allard (Université Lille-Fasest-Etudes Culturelles/IRCAV-Sorbonne Nouvelle), Eco-technologies décoloniales :  faire avec les diggers de l’anthropocène

La notion « d’éco-technolologies » sera déployée en contexte numérique pour prendre en considération des conditions matérialo-infrastructurelles d’existence des textualités générées par les applications mobiles ou services digitaux en suivant l’approche de la physiciennne queer Karend Barad du « material turn ». Le programme d’une saisie éco-technologique décoloniale du numérique impactant matériellement les milieux à tous les stades de son industrie se focalisera sur les tonnes de déchets alimentant les « mines urbaines » de l’anthropocène. Ce sont plus particulièrement aux « mines urbaines domestiques » et aux acteurs mobilisés autour de ces « communs négatifs » (Alexandre Monnin)  que sont les réparateurs associatifs, les designers ou artistes concernés, les militants écologistes décoloniaux dans différents contextes (repair café, fablabs) que sera consacrée cette communication. En hommage aux premiers « bêcheux » luttant contre les enclosures et pionniers du mouvement des communs en s’opposant aux enclosures du 17ème siècle ainsi qu’aux artistes  de la culture libre du San Francisco des années 1966, nous appellerons « diggers de l’anthropocène » celles et ceux qui reconfigurent  avec ingéniosité et développent un imaginaire du numérique du « faire avec et du déjà là » et agissent pour le mouvement naissant de l’urban digging. 

Paul Benoit et Rémi Bouzel (Qarnot Computing), La révolution du cloud computing et ses enjeux thermodynamiques et environnementaux.

Qarnot est un fournisseur de services cloud avec une approche innovante qui valorise la chaleur fatale informatique pour alimenter des réseaux de chaleur, des piscines et des industries. Les services cloud tiennent aujourd’hui un rôle central dans notre économie. Ces services s’appuient sur le déploiement massif de datacenters, déploiement qui est comparable à celui des usines du XXème siècle sur lesquelles s’appuie toujours la production des biens de consommation. Les puissances de calcul atteintes sont sans précédent et les enjeux thermodynamiques que nous rencontrons dans le champ énergétique sont inédits. Cette présentation sera l’occasion de revenir sur ces enjeux, de rappeler les pratiques traditionnelles de réduction de l’empreinte environnementale des datacenters et les nouvelles voies portées par la recherche académique et des entreprises comme Qarnot.

Pierre-Antoine Chardel (IMT-BS) et Olaf Avenati (ESAD de Reims), Désalignement, design et nouvelles formes de la matérialité

Nous vivons actuellement un désalignement (Latour), une dissonance entre la société d’abondance d’objets et de services, relais des récits fatigués portés par la société de consommation, d’une part ; et d’autre part une nouvelle réalité, un nouveau monde, dont l’enjeu est la préservation de l’habitabilité de notre « spaceship earth » (Buckminster Fuller). Si nous semblons encore collectivement hésiter sur les chemins que nous voulons emprunter pour préserver cette habitabilité, nous voyons bien la nécessité d’établir un autre rapport au monde matériel. Mais nous peinons à élaborer et à diffuser des visions de cet avenir. Par ailleurs, les technologies numériques, particulièrement dans leurs derniers développements (outils accélérateurs/normalisateurs de la production et de l’interaction, déplacement du travail vers les IA génératives, adossement aux semi-finis de tiers) posent le récit d’un pouvoir d’agir dématérialisé, sans limites d’usage, radicalement transformateur et libérateur, et accessible à tous comme une commodité. Au plan de l’expérience esthétique, l’intégration discrète de ces technologies dans le quotidien, leur intuitivité, leur apparente quasi-gratuité sont perçus comme des qualités. Alors même que ces technologies nécessitent en réalité beaucoup d’efforts de conception et d’énergie pour obtenir cette apparente légèreté. A partir de là, il nous semble intéressant, utile, et même nécessaire, de tenter, par le design, de donner forme à un nouveau rapport à la matérialité, nourri à la fois par les connaissances scientifiques et empiriques, en posant l’hypothèse qu’un travail sur les formes peut proposer de nouvelles représentations et porter des récits régénérés. Intéressant, car ces explorations nous aident à mieux percevoir la complexité des faits dans le monde matériel qui nous entoure. Utile, car ces représentations qui dé-spécialisent, qui désenclavent les connaissances, peuvent servir de plateforme à une conversation plus ouverte à l’ensemble des parties prenantes. Nécessaire, peut-être, en ce qu’elle pourraient constituer, par accumulation du déjà-là, les grains encore épars d’une force de basculement des représentations pour déplacer l’imaginaire sociétal et aider à l’aligner avec la matérialité du monde vivant.

Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste (Un. Paris 1 & Institut Veblen) – Transformer la monnaie pour rendre possible la bifurcation sociale-écologique

On ne changera pas la société en changeant seulement la monnaie, mais on ne la changera pas non plus sans changer la monnaie : tout grand changement sociétal va de pair avec un changement monétaire. La bifurcation écologique et sociale devra donc s’appuyer sur une bifurcation monétaire, adaptant la monnaie aux défis de notre temps pour mobiliser sa puissance de transformation. Les formes institutionnelles de la monnaie ne sont pas gravées dans le marbre, comme le révèle son histoire longue, des premières monnaies-coquillages aux cryptomonnaies récentes. Elles se réinventent à chaque époque en cohérence avec les bouleversements économiques, politiques ou culturels qui transforment la société.
Dans le pouvoir de la monnaie (Editions Les liens qui libèrent, janvier 2024), Jézabel Couppey-Soubeyran et ses co-auteurs défendent la mise en place d’un mode de complémentaire de création de monnaie centrale affectée au financement de la part non rentable des investissements indispensables à la bifurcation sociale-écologique de nos sociétés. Cette proposition s’inscrit dans une approche de la monnaie qui croise économie institutionnaliste, histoire anthropologique, et philosophie. 

Ressource : https://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_pouvoir_de_la_monnaie-9791020924261-1-1-0-1.html

Giuseppe Longo, mathématicien (ENS-Cnrs) – Le nouveau pythagorisme impératif, convergences épistémiques entre technosciences et industrie

Le codage numérique de lettres de l’alphabet, une pratique certes très ancienne, est devenue une technique rigoureuse et générale grâce aux mathématiques des années 1930. L’encodage de l’univers dans des suites discrètes (bien séparées) de nombres et de lettres s’en est suivi, au cours et après la IIème guerre mondiale – justement qualifiée de « guerre du code ». Les suites finies de lettres et de nombres entiers deviennent alors un équivalent général du « tout est code » : les chromosomes sont assimilés à un « code-script » du développement avec Schrödinger en 1944 ; toute forme, dans n’importe quel nombre de dimensions, peut être aujourd’hui encodée sur un écran fait de pixels, à leurs tours encodés par des suites de 0 et de 1 dans la mémoire d’un ordinateur. Or, les langages de programmation, même ceux qui nous permettent de dessiner, d’enregistrer et de produire la parole… sont encodés dans des suites de 0-1, en passant par des compilateurs et des systèmes d’exploitation, qui décrivent des ordres pour modifier d’autres suites de 0-1. Et, sur l’écran d’un ordinateur, où rien ne bouge, une pomme (rouge) tombe car des ordres (un programme) imposent à des pixels de changer de couleur, blanc/rouge/blanc, des changements d’état. « Les lois de la physique sont des algorithmes », proclament de nombreux récipiendaires du Turing Awards (Leivant, Pearl) : elles suivent un déterminisme laplacien, enrichi par des interactions entre programmes. De même, l’ADN est une suite d’instructions (un programme), nous expliquent des Prix Nobel de biologie (de Monod à Doudna, 2020). Le monde fonctionne donc car il obéit à des ordres, en dépit du bruit qui peut, occasionnellement, en affecter le réglage cartésien (Monod), l’exactitude de l’« édition » (editing) de l’ADN (Doudna), la dynamique laplacienne (Pearl). Faire de la science contre ce pythagorisme impératif qui nous gouverne et qui s’est imposé dans l’industrie demande aux jeunes le courage de bifurquer vers des visions dialectiques et immanentes, qui promeuvent la diversité théorique et d’analyses causales, la production de nouveauté en collaboration, non-préprogrammées par le pouvoir économique, politique et industriel.

Ressource : https://www.di.ens.fr/users/longo/files/Couv_Table-introLeCauchemarPromethee.pdf

Véronique Maire (ESAD de Reims) – Design, industrie et territoire

Comment intégrer des designers pour tester la mise en réseau des acteurs de la filière bois autour d’outils numériques et de productions ciblées en circuit court avec une démarche d’éco-conception ? Collaboration avec le CRITT Bois.

Ressource : https://chaire-idis.fr/projets/continuum-numerique-filiere-bois/

Alexandre Monnin, philosophe (ESC-Clermont) – Au-delà de l’anti-industrialisme et du business as usual, est-il possible de bien poser les questions techniques et industrielles aujourd’hui ?

La question technologique est au cœur des bouleversements en cours. Que l’on évoque l’Anthropocène, le Capitalocène ou encore le franchissement en cours des limites planétaires, dans tous les cas, la technologie occupe un rôle central et apparaît pour les uns comme la cause de nos maux, et pour d’autres, comme la solution à ces derniers. Elle est souvent convoquée sur le banc des accusés au titre d’une critique du techno-solutionnisme ou de l’extractivisme. Plusieurs publications récentes mettant en cause la transition énergétique de même que des chantiers industriels en cours (en particulier le projet de mine de lithium d’Échassières, dans l’Allier) ont accentué la critique de l’industrialisme et l’ont étendu à la transition écologique elle-même, contribuant à la décrédibiliser (d’une manière assez spécifique à la France, les questions de transition écologique et de justice climatique se mariant mieux dans d’autres pays), parfois en résonance avec les efforts de désinformation des lobbies climato-négationnistes. Un ré-ancrage territorial, axé sur les enjeux de subsistance, prendrait ainsi la place d’une modernité sur le point de chanceler. Pourtant, à rebours de ces velléités, tous les scénarios du GIEC nécessitent un certain niveau de développement et de transfert technologique pour sortir de l’ornière – en plus des changements importants en matière de politique, de gouvernance, de lutte contre les inégalités, etc. D’autres scénarios, décroissants ou assimilés, mobilisent également les gains d’efficacité à venir et la décarbonation pour imaginer des modes de vie viables à 8 milliards d’individus. Quelle place, dès lors, un point de vue informé et un tant soit peu radical (au sens étymologique du terme) doit-il accorder à la technologie et à l’industrie ? La voie du rejet ou la bascule vers les low-tech est-elle la seule possible ? Faut-il sortir de la production, comme nous y invitent, à différents titres, Bruno Latour, Baptiste Morizot, Dusan Kazic ou Emilie Hache ? Est-ce envisageable sans sombrer dans une forme de gnosticisme ? Dans le cas contraire, existe-t-il aujourd’hui une possibilité de faire place à la technologie et à l’industrie de manière non-naïve, en intégrant la question du renoncement, et sans laisser de côté les questions difficiles pour l’écologie de la puissance et de la géopolitique, plus vives que jamais.

Ressource : https://www.editionsdivergences.com/livre/politiser-le-renoncement

Maël Montévil (ENS-Cnrs) – Qu’appelle-t-on produire ?

Les notions de production et d’industrie ont, contre leurs origines historiques, été confinées dans les deux dernier siècles à ce que l’on appelle le secteur secondaire, le secteur primaire étant, lui, dévolu à la matière dite première et qui regroupe pelle-mêle l’exploitation du vivant sauvage et domestique ainsi que l’extraction minière. Pourtant les fourmis sont bien  – plus ou moins – industrieuses, le concept de reproduction est l’un des plus fondamental en biologie et même les processus physiques irréversibles produisent de l’entropie. Alors que le champs et les acteurs de l’industrie se reconfigurent tant pour des raisons technologiques « qu’écologiques », il nous semble pertinent de repenser ce que signifie produire à l’aune tant de la physique que de la biologie et de la technologie.

Sophie Pène, sociolinguiste (Un. Paris Cité) – Ce qu’écosystème veut dire, dans la langue du « réarmement de l’économie »

Lors de ses vœux 2024, Emmanuel Macron a souhaité marquer les esprits avec la métaphore d’un « réarmement » s’appliquant entre autres à l’économie, aux services publics, à « la relance de nos industries vertes ». « Réarmement » qualifiea posterioriune politique industrielle dont la langue sera sommairement décrite ici au travers de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) Compétences et Métiers d’Avenir (CMA, France 2030), de ses différents discours d’accompagnement et de projets lauréats. L’hypothèse discutée concerne le façonnement d’un fac-similé d’écosystèmes, qui aurait entre autres marques la volonté de promouvoir une « langue » (au sens de V Klemperer, lu par J Chapoutot, « qui s’insinue dans le langage courant et s’inscrit de manière inconsciente au plus intime de chacun »). Que dit cette langue décrivant un écosystème industriel circonstanciel et artificiel : 1- du récit public politique et administratif sur l’industrie comme élément d’écosystèmes sociaux et vivants, 2- de la prise en compte ou non de la relation des jeunes à l’industrie (puisque le programme CMA vise des « compétences » pour l’industrie future),  3-  des contraintes adaptatives que les entités candidates admettent pour parler cette langue et devenir éligibles aux financements, 4- de la prise en compte ou non du cadre actuel réel, scientifique, philosophique, moral, écologique, au sein duquel s’inscrira historiquement la volonté gouvernementale. En conclusion, et en vue de la discussion, s’ensuit-il une conception de l’industrie qu’une analyse organologique pourrait accompagner dans une reconception régénérative et restaurative ?

Victor Petit, philosophe (UTT) – Eco-technologie. Pour une conception orientée milieux.

Il s’agira d’expliciter ce qui distingue l’éco-technologie de l’ingénierie environnementale, et pour ce faire de mettre en avant ce que nous avons appelé dans un manuel collectif récent la « conception orientée milieux ». Nous montrerons en quel sens une certaine philosophie du Milieu-Tech est susceptible de subvertir les oppositions classiques, d’ouvrir la technologie sur son milieu, de substituer le soin à la maîtrise et de développer une techno-diversité.

Ressource :

https://materiologiques.com/fr/essais-2427-4933/388-prendre-soin-des-milieux-manuel-de-conception-technologique-9782373614473.html

Notes :

1 Cité dans l’article du Monde et de l’AFP publié le 12 mai 2023

2 Jean-Baptiste Fressoz, Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil, 2024

3 Bernard Stiegler, Bifurquer, il n’y a pas d’alternative », Collectif, éd. de poche, Les Liens qui libèrent, Paris, 2022

4 JH Barthélémy et L. Duhem (Dir.), Ecologie et technologie. Redéfinir le progrès après Simondon. Ed. Matériologiques, 2022

5 Victor Petit, « L’écologie de Bernard Stiegler. », 30 juin 2021, Cahiers Costech, numéro 4 ; V. Petit, C. Collomb. « Chapitre 2. Situer l’écologie technologique de Simondon ? », in Jean-Hugues Barthélémy éd., ibid., pp. 63-82 ; Victor Petit, « Chapitre. 3, Technologie du milieu vs. Ingénierie de l’environnement », in Mathieu Triclot, Prendre soin des milieux. Manuel de conception technologique, éd. Matériologiques

6 Où sont les technologies d’avenir ? Colloque organisé sous la direction de Vincent Bontems (INSTN-CEA), Christian Fauré (Octo Technology) et Roland Lehoucq (CEA Saclay), 30/08-5/09/2023

7 Gilbert Simondon, Sur la technique, PUF, p. 411.

8 Alexandre Monnin, Politiser le renoncement, Divergences, 2023

9 Bernard Stiegler (Dir.), Le nouveau génie urbain, Fyp, 2019

10 Caroline Granier, Refaire de l’industrie un projet de territoire, préface de Pierre Veltz, Presses des Mines, 2023, p. 7

11 https://lecoleduterrain.fr/maniere-de-faire/leconomie-contributive/

L’IRI a travaillé sur le développement d’une plateforme pour et avec la FCPE la Fédération nationale des conseils de parents d’élèves qui rassemble un ensemble de parents d’élèves, pour en savoir plus voir le site : https://www.fcpe.asso.fr. La plateforme a été pensée et construite sur une architecture orienté vers le groupe, pour le groupe, à destination des parents d’élèves.

L’organisation Automedias.org (https://automedias.org/fr/), le programme de recherche The Disruptive Condition de l’université de Leuphana (https://www.leuphana.de/en/portals/research-initiative-the-disruptive-condition.html) et l’IRI ont le plaisir de vous inviter le mardi 30 janvier de 17h30 à 19h30 à la première séance du séminaire « Automedias : le Médiactivisme Disrupté ? » organisé par Automedias.org et intitulée:

« Automedias et Affects Politiques. Selon quelle stratégie politique le modèle automédiatique peut-il se distinguer du modèle médiactiviste? »

Vous pouvez retrouvez plus d’informations avec le dossier complet du séminaire disponible ici.

Le séminaire se tiendra en salle Triangle du centre Pompidou.

–> (https://www.iri.centrepompidou.fr/pied/contact/).

Vous trouverez les actualités de l’IRI sur LinkedIn ICI.

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