Digital Studies

23, septembre 2011  |  Publié : Recherches  | 

Dans le monde universitaire comme dans le monde de la culture, au cours de ces dernières années, un nouveau champ de recherche s’est développé sous le nom de digital humanities. Les travaux qui sont menés à l’IRI relèvent directement et intégralement de ce champ. Mais leur nature, et la conception qui y préside, dépasse le domaine des digital humanities.

Ce que l’on désigne ainsi correspond en quelque sorte à ce qu’autrefois, dans le domaine des lettres et de la philologie, on nommait les sciences auxiliaires – épigraphie, archistique, bibliothéconomie, documentique, etc. – à l’époque des technologies numériques. Pourtant, les enjeux de celles-ci, pour les sciences en général, pour leur épistémologie et pour les conditions de la recherche scientifique comme de la création artistique, ou de l’invention et de l’innovation sociales, sont beaucoup plus amples.

Tout d’abord, les digital humanities permettent de pratiquer de nouvelles formes de recherche – qui relèvent d’une recherche contributive associant à la recherche des acteurs qui ne sont pas eux-mêmes des chercheurs. Ainsi se trouvent relancées les questions que posait Kurt Lewin au titre de la recherche action.

D’autre part, il ne s’agit pas simplement de questions de méthode et d’instruments de travail tel que le numérique viendrait les bouleverser : est en jeu ce que l’on pourrait être tenté d’appréhender comme une « rupture anthropologique » induite par la numérisation – à condition toutefois d’admettre que l’hominisation est un processus constitué par une constante possibilité de ruptures, de natures diverses, cette capacité de rompre qui est propre à cette forme de vie que l’on appelle l’homme s’appelant aussi la liberté.

On peut parler de rupture anthropologique au sens où la numérisation modifie en profondeur ce que Simondon appelait le processus d’individuation psychique et collective, et que Leroi-Gourhan analysait comme un processus extériorisation. C’est pourquoi les digital humanities doivent être appréhendées comme une branche de ce que nous proposons d’appeler les digitals studies : les digital humanities ne sont en effet ni praticables ni théorisables sans avoir préalablement conceptualisé l’organologie des savoirs qui se déploie avec le numérique – et qui concerne toutes les formes de savoir : savoir-faire, savoir-vivre, savoirs théoriques.

Parmi les savoirs académiques, et en particulier, parmi ceux-ci, les savoirs théoriques, l’organologie numérique affecte en profondeur aussi bien les sciences humaines que la physique contemporaine et plus généralement les sciences expérimentales. Par exemple, la nano-physique, en tant que mécanique quantique appliquée, ne peut se constituer qu’à travers l’organon numérique qu’est le microscope à effet tunnel. Il en va de même de la génomique et des biotechnologies, qui supposent les organes de traitement numérique des informations qu’y deviennent les nucléotides qui forment le vivant.

On pourrait développer de semblables observations dans tous les domaines. Ce que nous avons proposé d’étudier ici, aujourd’hui, à Barcelone sous le nom digital studies, tente de décrire tout cela et d’appréhender ainsi les digital humanities d’un point de vue élargi. Quant aux digital humanities stricto sensu, nous-mêmes les investiguions systématiquement – avec le CCCB – au niveau de ce des technologies culturelles aussi bien que des technologies cognitives.

Mais nous élargissons le thème des digital humanities aux digital studies par exemple en menant avec Alexandre Monnin et le W3C des travaux sur la philosophie du Web, aussi bien qu’en développant des collaborations avec France télévision, Microsoft et d’autres acteurs sur les instruments nouveaux de la recherche et de l’enseignement supérieur rendus possibles par l’organologie numérique, et sur les conséquences que ceci pourrait et devrait avoir sur l’enseignement secondaire et l’enseignement primaire. Nous ne distinguons d’ailleurs pas les questions culturelles et les questions éducatives – et nous considérons qu’il faut repenser en profondeur les liens entre politique culturelle, politique éducative, politique industrielle et politique des médias.

Aussi examinerons-nous au cours de cette journée à la fois des éléments théoriques, des éléments technologiques et des domaines d’application de ces considérations – tels que depuis bientôt six ans, l’IRI a su les mettre en œuvre avec le CCCB, Microsoft et tous ses autres partenaires.

Site Digital Studies de l’iri : http://digital-studies.org/wp/

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