Entretiens du Nouveau Monde Industriel

20, juin 2023  |  Publié : Events  | 

Séminaire préparatoire : 5 et 6 juillet 2023 

Maison Suger, FMSH, 16 rue Suger, 75006 Paris 

Jeux, gestes et savoirs 

En collaboration avec la Bibliothèque Publique d’information du Centre Pompidou, l’Association des Amis de la Génération Thunberg et le programme européen NEST. 

Partenariat : Cap Digital 

Sur inscription à : contact@iri.centrepompidou.fr 

Vous pouvez télécharger le programme ici.

Peut-on jouer avec une machine ? et qu’est-ce qu’une machine ? sont des questions anciennes qu’il s’agit de se reposer à l’aune de la disruption Chat GPT. Tel pourrait être le défi de ces Entretiens du Nouveau Monde Industriel tant l’usage grand public des modèles statistiques de langage introduit une disruption massive dans nos pratiques noétiques et le développement de nos savoirs et réinterroge la question fondatrice du « jeu de l’imitation » introduite par Alan Turing. En effet, l’hypothèse ici explorée place le jeu comme nouvel espace de capacitation articulant le calculable et l’incalculable, c’est-à-dire ce que les designers de jeux désignent par le game et le play, règles et expérience, dans un contexte de production des savoirs littéralement disrupté par des modèles statistiques dont les règles ne sont pas explicitées, compromettant ainsi toute forme de play, d’élaboration, d’interprétation. Le jeu avec Chat GPT est-il possible, tant il semble n’y avoir aucun « jeu » dans ce qui nous soumet au règne de la synthèse artificielle en inhibant toute forme d’analyse ? Est-ce encore un jeu, ou une ultime gamification, quand nous semblons condamnés à ne pouvoir gagner, sans jamais pouvoir perdre ? 

Ce séminaire est conçu comme un temps de préparation et d’échanges en vue du colloque qui se tiendra les 18 et 19 décembre au Centre Pompidou. Il entend apporter un éclairage théorique, historique et épistémologique sur le pouvoir du jeu à nous capaciter dans l’interaction avec le calcul. Nous aborderons pour cela comment passer d’une théorie des jeux historiquement située dans le champ mathématique à la question du jeu dans le champ biologique. Le jeu est aussi un espace des valeurs et de la valeur qui après Abraham Moles nous invite à repenser la question des jeux d’argent. Mais le jeu n’est pas que règles, il est chez Winnicott la condition du développement de l’espace potentiel chez l’enfant et de la culture chez l’adulte. Cette projection primordiale engage le corps, la main, le geste comme processus temporel pouvant résister à l’immédiateté du calcul.  

Notre hypothèse sera ici de penser comment les gestes numériques peuvent se jouer de la gouvernementalité des corps et des esprits qui pourrait être la principale menace de certains métavers intégrant IA et monnaie. Ce sont d’abord les gestes du designer de jeu mais aussi et surtout les gestes du hacker, de l’amateur, du bricoleur, de l’artiste parfois à même de défendre une esthétique low-tech salutaire. Un geste digital (au sens où ce terme désigne en anglais à la fois le nombre et le doigt) qui doit être en mesure de laisser du « jeu » à la trace, au « hors-texte », qui doit revendiquer une forme de spectralité, la transitivité de la main qui produit ce qu’E. Housset nomme le style.  

Car c’est bien d’une nouvelle écriture, d’une nouvelle grammatisation, d’une organologie des savoirs et d’une techno-esthétique dont il s’agira d’étudier ici la pharmacologie à l’âge de Chat GPT dans de nouveaux espaces éducatifs où – à l’image de la plateforme Urbanités Numériques en Jeu expérimentée par l’IRI dans les collèges et lycées de Seine-Saint-Denis – le jeu, œuvre et ouvre le jeu et laisse la place au je et au nous d’une localité capacitante. 

5 juillet – 10h30-12h30 

Séance 1 – Geste et Jeu 

Gestes et psychologie du jeu chez l’enfant 

Coordination : Marie-Claude Bossière 

En considérant avec Donald Winnicott que les tout premiers gestes de l’enfant sont déjà un jeu avec la réalité, avec le monde, avec l’espace potentiel, comment pouvons-nous renouveler notre interprétation de ce qui se joue aujourd’hui avec ce que l’on ne nomme précisément plus des jouets, ni même des jeux lorsqu’il s’agit de véritables disrupteurs attentionnels, des nudges, ou des dispositifs de gamification exploitant notre système dopaminique ? Comment repartir des gestes premiers de l’enfant pour reconsidérer la place du geste dans le numérique, c’est-à-dire du mouvement dans un contexte où espace et temps se distinguent et soutiennent un désir de se projeter grâce à de nouvelles formes de réflexivité ou à travers de nouvelles interfaces gestuelles et sensorielles. 

  • Marie-Claude Bossière, pédopsychiatre (IRI) 
  • Morgane Balland, psychomotricienne. 
  • Nadège Haberbusch, formatrice éducation et jeu 
  • Miriam Rasse, psychologue, fondatrice de Pikler Loczy France 

5 juillet – 14h00-16h30 

Séance 2 – De la théorie des jeux au jeu du vivant 

Coordination : Giuseppe Longo et Maël Montévil 

La théorie des jeux de Von Neumann propose une vision cybernétique et panoptique des différentes typologies de jeux dans le contexte géopolitique de la guerre froide. Cette approche mathématique qui a montré son efficacité aux débuts de l’informatique nous projette dans un contexte pourtant très différent de notre situation contemporaine dominé par l’approche statistique du monde. Comment à la fois « se jouer » de cette tendance statistique et dépasser le cadre réducteur de la théorie des jeux ? N’est-ce pas ce que fait le vivant lui-même ? Cette session ouvrira à la question du « jeu » du vivant et comment il peut inspirer de nouveau modèle de jeu. 

  • Giuseppe Longo, mathématicien (ENS-CNRS) 
  • Jean Lassègue, philosophe et épistémologue (EHESS) 
  • Maël Montévil, théoricien de la biologie (ENS-CNRS) 
  • Anna Longo, philosophe (CIPh) 
  • David Bates, philosophe (UC Berkeley) 

5 juillet – 16h30-19h 

Séance 3 – Les territoires de la gamification 

Coordination : Armen Khatchatourov 

Artistes, designers et scientifiques réunis pour débattre de la gamification comme nouveau paradigme de la mise au travail du public. La gamification ouvre-t-elle de nouveaux territoires d’émancipation ou bien nous confronte-elle à des nouvelles formes d’assujettissement ? Comment les territoires – territoires au propre comme au figuré - sont-ils réagencés ? Quelles formes de gouvernementalité et de technodiversité y sont à l’œuvre ? 

  • Armen Khatchatourov, MCF (DICEN-IdF, UGE): « Les territoires de la gamification : persuader et contrôler » 
  • Nicolas Maigret et Marie Roszkowska, artistes (Disnovation.org) : « Traduire les données scientifiques en concept : jeu de données et limites de l’imagination » 
  • Noel Fitzpatrick, philosophe (TU Dublin) : « Gamification et technodiversité » (en distanciel) 
  • Warren Sack, Media studies (Un. de Santa Cruz) 
  • Nicolas Tilly, designer numérique 
  • Filipe Vilas-Boas, artiste (sous réserve) 

6 juillet – 10h-12h30 

Séance 4 – Jeux d’argent et enjeux de société 

Coordination : Franck Cormerais 

Les éléments mobilisés par le jeu, selon Roger Caillois, sont la compétition (agôn) la chance (aléa), le mimétisme (minicry) et le vertige (ilinx). A des degrés divers l’argent les rencontre tous. L’agent forme aussi un apprentissage aux notions de gain et de perte, il devient le jeu d’une balance entre plus et moins, positif et négatif, entropie et néguentropie. En abordant le jeu dans ses dimensions anthropologiques, techniques et économiques, nous tenterons de cerner ses multiples relations à l’argent afin d’essayer de sortir des risques croissants d’un capitalisme de casino (Keynes, Strange).   

La session s’ouvre à partir d’un angle conceptuel mettant en œuvre « un désir d’universalité » par l’attachement et la confiance dans un équivalent général : l’argent. Dans un second temps, l’argent devient un enjeu d’une réappropriation collective, un bien commun, orienté par les notions l’entraide et la contribution. La variété des jeux de l’argent nous mènera ainsi, du pouvoir actuel de la financiarisation, à un emploi alternatif de la monnaie envisagé comme le support d’une valeur sociale et écologique. Renforçant le besoin d’une économie de la contribution par la monnaie. 

  • Olivier Aïm, (Paris Sorbonne) « Le jeu de l’argent chez Simmel : entre mouvement et inertie, entre liberté et attachement »  
  • Armen Khatchatourov, (DICEN-Un. Gustave Eiffel) « De la monnaie à la donnée : quelle institutionnalisation pour quelle confiance ?    
  • Jacques Prades, (Un. de Toulouse) « Nouvelle économie sociale : l’argent au service de la coopérative »,  
  • Franck Cormerais, (Un. Bordeaux-Montaigne) « De la monnaie à l’éco-monnaie contributive »  

6 juillet – 14h-16h30 

Séance 5 – Jeu et savoir 

Design et développement des jeux numériques face aux IA. Enjeux éducatifs, industriels, et de design. 

Coordination : Vincent Puig, Olivier Landau, Brice Roy 

Cette dernière session se propose d’illustrer les enjeux industriels et de design relativement au développement des jeux numériques et en premier lieu dans le champ éducatif. Comment apprendre en jouant est une question récurrente en pédagogie. Mais quel espace de jeu reste-t-il dans la confrontation addictive à ChatGPT ou dans les nouvelles « sociétés de contrôle » que semblent dessiner certains métavers ? Comment maintenir une tension féconde entre le game et le play pour ouvrir à l’espace du savoir, c’est-à-dire à l’espace du désir ? Quel peut être le rôle du geste et des représentations temporelles dans cet équilibre ? Et quelles perspectives cela ouvre pour une nouvelle industrie du jeu ouvert et capacitant ? 

  • Vincent Puig, Riwad Salim (IRI) 
  • Brice Roy (ICAN) 
  • Mattieu Triclot (Un. Lyon 3) 
  • Thomas Morisset (Un. de Nice) 
  • Olivier Dauba (Ubisoft) 

17h-18h30 Discussion générale 

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